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Vous avez dit "vivre ensemble" ? Vous voulez dire "Convivéncia"

L’Occitanie est une terre qui a connu des déferlantes de fanatisme religieux. Elle a payé cher d’avoir été à certains moments de l’Histoire une terre de tolérance, de « vivre ensemble » comme on dit en français. En occitan on a le mot « convivéncia ». Il est beau. Il y a toujours des forces pour ne pas le supporter.

Nous ne sommes pas une terre d’hérésie mais une terre qui a tenté la tolérance, qui a essayé de la cultiver. Aujourd’hui même nous sentons que les forces politiques les plus rétrogrades gagnent du terrain dans les villages, les villes et les régions occitanes. Il ne faut pas être naïfs ; pas question de laisser penser que nous croyons que l’Occitanie est une terre où la tolérance est partagée par tous, qu’elle y fleurit naturellement. Elle doit se cultiver, à chaque génération.

Aigas mortasAigas Mortas on Maria Durant estó empresonada 38 ans

A chaque épisode de l’histoire il y a eu dans notre société des forces opposées. La « convivéncia » n’était pas —et n’est pas— du goût de tout le monde. A chaque fois il faut expliquer, convaincre, combattre les idées simplistes, s’opposer à ceux qui croient que l’autre est un ennemi.

Certes il y a les armes pour lutter contre les armes ; le prix de ce combat est toujours très élevé. Il est parfois nécessaire.

Rafael Alberti écrivit un poème terrible et résigné, alors que la guerre semblait inévitable en Espagne :

« qué dolor de papéles  ha de barrer el viento » (Quelle douleur de papiers doit balayer le vent)

qué tristeza de tinta  ha de borrar el agua ».(Quelle tristesse d’encre doit effacer l’eau)

« las palabras entonces no sirven, son palabras.(Les mots alors ne servent pas, ce sont des mots)

Las siento esta noche heridas de muerte las palabras ».( je les sens cette nuit blesssés à mort, les mots)

Alberti ponctua son poème d’une sorte de refrain terrible qui disait : « balas ! balas ! ».

Il répondait d’une certaine façon au stupide et absurde « Viva la muerte ! » de général José Millán-Astray.

Quand l’intolérance triomphe les mots meurent, l’intelligence meurt. D’ailleurs ceux qui crient à leur façon « viva la muerte ! » aujourd’hui ne supportent pas les mots ni la culture.

montsegurComment répondre à la situation ? Il serait présomptueux de dire que qui que ce soit a LA solution. Il faut des réponses sociales, économiques, des réponses politiques. Elles seront longues et compliquées. Mais nous devons penser que demain il nous faudra des mots ; ceux qui enseignent la « convivéncia » justement.

Des pages de l’histoire occitane se sont écrites à l’époque de la croisade lancée sous prétexte d’hérésie cathare, puis il y a eu la Réforme, la guerre des Camisards. Je pense aussi à ce mot gravé sur les murs d’Aigas Mortas par Marie Durant « Register ». Elle fut emprisonnée pendant plus de 38 ans pour n’avoir pas cru comme il fallait. Puis il y a ce mot de « Résistance » faisant

Montsegur qu’ei tanben simbolic d’ua epòca d’intolerància

écho quelques siècles plus tard à ce qui était gravé dans la pierre d’une prison. Il répondait à un fanatisme qui n’a rien à envier à celui que nous connaissons aujourd’hui.

Connaitre l’histoire occitane, connaitre les intolérances qui ont tué tant d’hommes et de femmes, qui en ont envoyés tant aux galères et dans des camps serait bénéfique aux jeunes qui fréquentent nos écoles. Mais on en parle peu, pas assez. Et pourtant tout cela résonne aujourd’hui. Je ne crois pas que de mettre un drapeau de la République au fronton des écoles sera suffisant. Si ça devait suffire à arrêter l’intolérance j’en serais heureux. Mais je crois en la culture, en la connaissance, en l’intelligence. Il n’y a rien d’autre pour lutter contre l’obscurantisme. Manifester par millions était nécessaire. Maintenant il faut armer les âmes. Demain il nous faudra des mots, ceux qui enseignent la « convivéncia ». C’est par les mots que tout commence, ou si vous voulez, autrement dit : « Au commencement était le verbe ». Ceux qui veulent empêcher aujourd’hui que les idées circulent devraient connaitre cette phrase.

David Grosclaude

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