Si les attentats sanglants qui ont secoué la France et
l’Europe doivent être fermement
condamnés et résolument combattus il faut
également se garder de tout réflexe
sécuritaire et tourner le dos au repli sur soi.
Les fondamentalismes religieux ou non, la montée de
l’extrémisme, la tentation, faute de vraies
réponses à une crise multiforme que ni les
pouvoirs publics ni l’initiative privée
n’arrivent à réduire, de
désigner des boucs émissaires, les mauvaises
réponses de tous ordres menacent le vivre ensemble, sapent
les fondements de la démocratie et de la
République
Les dérives autour de "l'identité nationale" le
malaise de l’UMP à propos de l’islam,
rappelons-nous le "musée de l'histoire de France" de Sarkozy
sur ce thème (2008), font des ravages et alimentent un
populisme grandissant au sein des foyers victimes d’une crise
multiforme que les politiques gouvernementales ne parviennent pas
à réduire durablement. Certains vont
jusqu’à demander l’interdiction de
l’Islam. Ils emboitent ainsi le pas d’une
extrême droite toujours porteuse d’exclusion et de
renfermement et dont la posture de recentrage ne trompe personne
Etre ferme sur les principes de laïcité, croire en
nos valeurs, vouloir les faire vivre ne doit en rien nous
exonérer d’interroger leur capacité
intégratrice, de voir comment elles sont, ou elles devraient
- par une actualisation et une adaptation pertinentes - être,
des réponses efficaces aux défis actuels. Mais
pour cela il appartient de déterminer et
d’éliminer ou de pacifier les terreaux sur
lesquels se développent l’exclusion, la
désespérance, où sont les sources des
dérives qu’elles soient d’ailleurs
maffieuses ou fondamentalistes.
Notre région « Provence-Alpes-Côte
d’Azur » plus que tout autre est une vieille terre
d’immigration. Des grecs qui rencontrent des celto ligures,
plus tard protégés par des romains qui
créeront la Provincia et les principales
agglomérations provençales ont amené
avec eux une nouvelle façon d’administrer les
affaires publiques. La démocratie, la res publica
qu’on retrouvera au coeur des valeurs de la constitution
provençale, qui seront ensuite
rénovées, réinventées par
les Lumières et la révolution
française sont aussi de vieux concepts régionaux.
Une histoire qui au fil des siècles s’est enrichie
de l’apport de chacune des vagues d’immigration.
Du droit romain qui a fondé son existence et sa langue, de
l’islam d’Al Andalous qui a fait progresser son
architecture, les sciences, dont les troubadours recyclèrent
l’imaginaire, aux catalans qui ont structuré son
administration, de l’apport des juifs du pape qui
gérèrent les propriétés
pontificales et le comtat venaissin, des premiers immigrés
de l’intérieur qui sont descendus des Alpes aux
Arméniens, Espagnols, Italiens, Maghrébins,
africains… l’histoire régionale se
confond volontiers avec l’histoire des immigrations dans
notre région.
Parce que la Provence est un carrefour entre l’Europe du Nord
et du Sud, parce que ce pays pour l’agriculture, le
bâtiment plus tard l’industrie a sans cesse eu
besoin de bras elle a largement accueilli. Cet accueil et les
intégrations qui s’en sont suivies fondent une
caractéristique fondamentalement de notre
identité régionale par essence donc
résolument ouverte.
Comment s’est structuré le vivre ensemble au cours
de ces siècles ? En quoi ce modèle
n’est-il plus opérant ou qu’en
reste-t-il et comment pourrions-nous l’utiliser ? La question
est d’une actualité brulante Gardons-nous bien
d’être naïf ou idyllique, laissons le
« c’était mieux avant » aux
marchands d’illusion. L’immigration pour cause
économique ou politique est très rarement un
choix éclairé. L’accueil, la main
tendue ne sont ni des réflexes naturels, ni des dispositions
immédiates. Et ce qui était vrai hier le reste
aujourd’hui.
Simplement on arrivait dans une structure organisée, un
coeur de ville, dans un quartier ou un noyau villageois. Bref
l’immigré sa famille était face
à une administration organisée qui dans une
logique de renouvellement se donnait les moyens en terme
d’habitat et de services publics de se
régénérer par
l’intégration de ses nouveaux arrivants.
Ensuite on venait travailler aux champs, à l’usine
et l’intégration passait par le travail. Et puis
les dans les temps de loisir, les fêtes au coeur de la
structure urbaine ou rurale d’accueil les rencontres
s’organisaient. Et le vivre ensemble
méditerranéen, la culture de la fête,
le vivre dehors et la langue d’Oc, que nos anciens appelaient
patois, servaient de liens et favorisaient
l’intégration.
Aujourd’hui la péri urbanité a distendu
le lien social, parce que nous n’avons pas su partager le
travail le chômage est la règle pour une jeunesse
que les crises désespèrent et la culture est
devenue une marchandise à caractéristique
individuelle et télévisuelle dominante. Le prix
du mètre carré s’est envolé
alors que certains quartiers sont à l’abandon
notre région est devenue championne de la dualité
et cette alternance grande misère et richesse
exacerbée nourrissent les trafics comme sont une source
indéniable de la montée de l’exclusion
voire de la haine.
Alors dans ce contexte sortir de ces spirales infernales, retrouver le
goût et le sens du vivre ensemble pour demain mieux vivre
ensemble passent par un certain nombre d’actions :
- S’engager en faveur de la mixité
sociale, générationnelle, mener la guerre aux
ghettos, maîtriser la péri urbanité :
Notre action en faveur de la rénovation urbaine, notre souci
de sanctuariser les terres agricoles, notre engagement pour la
préservation d’une extraordinaire
biodiversité sont des enjeux incontournables d’un
équilibre régional, d’une terre
respectée, propriété de chacun,
qu’il appartient à tous de préserver.
Un habitat accessible est aussi une des conditions de la
citoyenneté. La guerre au mal logement, le respect de la loi
SRU sont des données incontournables d’une
société et d’une démocratie
apaisées.
- Promouvoir des services publics dynamiques et exemplaires
qui rendent accessibles à tous une citoyenneté
ressourcée par la proximité régionale.
Si l’école ne sait pas s’interroger sur
ses missions et ne dégage pas des moyens, si les services
publics ferment leurs structures d’accueil, si
l’égalité territoriale n’est
pas au rendez-vous alors nous favoriseront le sentiment
d’exclusion qui fait le terreau du vote
extrême.
L’école
doit être partie prenante de cette lutte contre
l’exclusion. En chassant, l’homophobie, en
combattant les prosélytismes, en éliminant toutes
les formes de harcèlement l’école a un
rôle central. Pour mieux le jouer encore elle doit
s’ouvrir à son environnement immédiat
et promouvoir notre histoire régionale et notre langue qui
participent du vivre ensemble. Elle doit faire la place qui leur est
due aux langues de la Méditerranée et de
l’immigration.
Les services publics ont
à mailler l’ensemble du territoire. Notre
engagement en faveur des maisons de la santé en
témoigne mais l’ensemble de la puissance publique
: collectivités locales, territoriales, Etat et Europe
doivent s’impliquer dans ce processus
- Soutenir l’économie de production,
l’économie sociale et solidaire, en appeler
à la responsabilité de
l’entreprenariat. L’intégration par le
travail est en panne, l’économie
résidentielle, présentielle et son
cortège de temps partiel subi, son lot de sous
qualification, supplantent, petit à petit les emplois de
l’économie de production qu’ils soient
agricoles ou à caractère industriel. Par une
double action, formation professionnelle d’un
côté et schéma de
développement industriel et technologique de
l’autre le rôle des Régions est
fondamental. La bataille pour l’emploi passe par une relance
de l’économie régionale de production.
La lutte des Fralib, des moulins Maure, la mobilisation des
travailleurs de Rousset, l’avenir des pôles
technologiques de Sophia, de l’Arbois.. est au coeur des
préoccupations des politiques publiques. C’est nos
atouts qu’il faut donc valoriser et c’est vrai dans
les domaines agricoles comme industriel.
L’économie sociale et solidaire, le mouvement
coopératif largement pourvoyeurs d’emploi, souvent
garants du service public doit être
considérée comme un des biens
régionaux les plus précieux. Enfin
l’appel à la responsabilité
entrepreneuriale en matière d’activités
durables comme d’emplois doivent conditionner notre soutien
au développement.
- S’ouvrir sur l’Europe la
Méditerranée et refaire de notre
région ce carrefour culturel et politique qu’elle
n’aurait jamais dû cesser
d’être.
Développement,
formation, culture, emploi, solidarité,
sécurité nous avons tant à partager
avec les régions voisines européennes de
l’arc latin, dans les mêmes registres nous avons
tant à échanger entre les deux rives de cette mer
qui nous rassemble. Les récents
évènements politiques grecs, le choix pour les
peuples de déterminer souverainement la voie à
suivre, la solidarité en Europe et en
Méditerranée face à la
montée des extrémismes positionnent notre
région et ses grandes portes d’entrée
méditerranéennes devant un défi
particulier Celui d’être à la fois une
région ouverte, d’assumer cette ouverture et de la
valoriser comme élément du vivre ensemble. Ce
modèle multi culturel, régionale,
français, européen et
méditerranéen c’est tous ensemble que
nous devons dans un élan de responsabilité le
construire !
Citer cet article : http://partitoccitan.org/archivas/article1602.html