La Bretagne a occupé le devant de la scène médiatique au mois de novembre. L’écotaxe qui avait été votée à l’unanimité sous le gouvernement Fillon a cristallisé la colère des bretons qui ont obtenus le report de la mise en place de cette taxe nouvelle. Vu d’Occitanie, cette mobilisation a surpris. A travers nos écrans de télévision on a senti le souffle et la colère du peuple breton ! Le choix de porter les bonnets rouges s’est révélé payant : ce qui semblait un gadget s’est révélé être une spectaculaire mise en scène qui a accroché les médias. La référence historique aux anciennes révoltes bretonnes met aussi en perspective ce mouvement et renforce son côté identitaire. On a ressenti une vraie solidarité entre bretons de différentes couches sociales, unis pour faire face à la difficulté. Les médias parisiens ont peu parlé de cet aspect des choses qui pourtant sautait aux yeux ! Occitania a interviewé Gael Briand, rédacteur en chef du journal « Peuple Breton » proche du parti politique « Union démocratique bretonne (UDB)».
Occitania :
l’écotaxe est un impôt
écologique, pourquoi l’UDB est elle
contre ?
Gael Briand :
Ce n'est pas le principe de l’écotaxe que nous
déplorons,
mais son application et son inadaptation au cas breton. Nous ne vivons
pas dans
une France fédérale dans laquelle les
marchés seraient décentralisés. Du
coup,
cette écotaxe s'apparente à une prime
à la centralité (plus on est loin des
marchés, plus on paye). Une injustice qui a fait
déborder la colère bretonne.
Qui plus est, on ne fait pas une taxe sans avoir pensé les
alternatives au
préalable. Or, il n'y pas d'alternatives
sérieuses à la route en Bretagne: le
fret est abandonné par la SNCF et on ne fait pas voyager des
porcs en train, le
cabotage n'en parlons pas. Il est possible, mais sur un
marché de niches. Pour
finir, le Ministre a envoyé un courrier disant que le
produit de l'écotaxe
servirait à finir la RN164 (promesse de De Gaulle!!) et
à payer le TGV... qui
n'est pas un transport de marchandises aux dernières
nouvelles à moins que nous
ne soyons considérés comme du bétail
ce qui, parfois, semble être le cas! Je
finirais en disant tout de même qu'étant
autonomistes, ce qui vaut pour la
Bretagne ne vaut pas forcément ailleurs! Si l'Alsace ou
l'Occitanie
revendiquent l'écotaxe, qu'ils la prennent.
Occitania :
Quelle est la situation sociale en Bretagne
aujourd’hui ?
G.B. :
Nous venons de vivre de nombreuses suppressions
d’emploi :
PSA, Alcatel, Doux, etc… Ce n'est pas simplement
l'écotaxe (non appliquée) qui
a mis 30000 personnes dans les rues, mais bien le ras-le-bol, la
surdité de
l'Etat envers les territoires, l'injustice fiscale (et non le
matraquage
fiscal) et le besoin de travail en Bretagne (c'était le mot
d'ordre du 2 à
Quimper). La mobilisation a payé, mais attention nous ne
sommes pas
dupes ! L’écotaxe n’est pas la
cause de la crise de l’agroalimentaire
comme tentent de le faire certains industriels pour faire oublier leur
responsabilité.
Occitania :
le gouvernement parle d’un pacte d’avenir pour la
Bretagne, qu’en pensez-vous ?
G.B. :
L’économie bretonne doit engager une
véritable mutation vers
plus de qualité, d’innovation et de transformation
sur place. Si nous avons
plus de valeur ajoutée nous pourrons créer des
emplois sur place, et réussir la
conversion du modèle agricole breton. Mais
l’état français gère
toujours de la
même manière les crises : les ministres
se déplacent, débloquent un peu
d’argent pour quelques projets, et au fond rien ne change.
Aujourd'hui, la
question n'est pas simplement conjoncturelle, elle est structurelle.
L'UDB
n'est pas la seule à pointer du doigt un sentiment de
relégation dû à la
centralisation excessive et à la métropolisation.
L'expression "On ne
donne qu'aux riches!" est plus que jamais d'actualité,
économiquement,
mais aussi territorialement. C'est donc d'une vraie réforme
institutionnelle
dont les territoires ont besoin. Accompagnée d'une
réforme fiscale. Pour la
Bretagne, cela doit se concrétiser par le retour de la
Loire-Atlantique en son
sein et une réelle autonomie politique pour agir au plus
près des besoins! Le
système jacobin est en faillite et continuer à se
voiler la face remettra
inexorablement en cause le contrat social tacite existant entre l'Etat
et les
citoyens. Dans ce contexte, le vote FN est un indicateur du malaise
social.
Propos
recueillis par Uc Jourde.