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L’Occitanie à l’heure de la réforme territoriale

7 octobre 2014

Par Guilhèm Latrubesse.

Guilhèm Latrubesse est conseiller régional de Midi-Pyrénées, délégué aux affaires occitanes.
Contact : guilhem.latrubesse[a]partitoccitan.org/archivas

 

La nouvelle réforme territoriale, l’acte III de la décentralisation, s’intègre dans une nouvelle conception de la république française initié il y a moins de 50 ans. Ceci a été voulu d’abord par Charles de Gaulle, « ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de [la] puissance économique de demain[1] », même si le référendum sur la régionalisation en 1969 fut un échec pour lui. Ensuite ce fut François Mitterand « La France […] a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisée[2] » qui mit en place la première loi sur les régions en 1982 (loi Deferre). Enfin en 2003, sous Raffarin, la constitution est modifiée pour préciser que « l’organisation de la République est décentralisée ».

 

Nous savons bien que ce qui est marqué dans une constitution ne vaut pas forcément application immédiate, et il faudra encore du temps pour de débarrasser de l’héritage de Louis XIV et de Napoléon. Dans un autre registre, l’entrée des langues régionales dans la constitution en 2008 a bien prouvé qu’il s’agit avant tout d’une avancée symbolique mais que cela n’octroie pas forcément de droits nouveaux.

 

Mais derrière cette apparente volonté de décentraliser, 2010 a marqué un changement radical de cap. Les compétences et les responsabilités des collectivités ne sont pas touchées, mais en révisant complètement la fiscalité des collectivités, notamment en supprimant la taxe professionnelle, nous avons assisté à une recentralisation par le porte-monnaie. En effet, en limitant leurs ressources directes, leur capacité à lever l’impôt, l’Etat devient le premier financeur des collectivités et peut fortement influencer leur fonctionnement : nous entrons au mieux dans une phase de déconcentration, les collectivités locales n’étant plus que des entités gestionnaires, certes plus efficaces, des compétences de l’Etat.

 

Pourtant, en 2014, la situation politique et sociale doit nous appeler à renforcer la démocratie locale, à redonner le pouvoir localement, à renforcer l’efficacité des actions publiques. Au lieu de cela, c’est la pire approche qui nous est proposée : dessiner les contours des cartes avant même d’aborder la question du contenu du projet, des compétences. Cette réforme par le haut ne fait que renforcer le sentiment que les citoyens ne sont pas pris en compte. De plus, si la réforme insiste sur les coopérations intercommunales, sur une fusion des départements et des régions, rien n’est dit sur les doublons entre service d’état et services régionaux. Par exemple, les fonds régionaux d’art contemporain sont aidés systématiquement à 50/50 entre la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) et la politique culturelle des régions, entrainant une double instruction de dossiers, double travail de fonctionnaire. En 1981, François Mitterand proposé de supprimer les préfets, il faut à supprimer les doublons administratifs en région.

 

Mais la fusion Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon vers une région qui pourrait s’appeler tout simplement Languedoc pose la question de la structuration du territoire occitan qui passera par ailleurs par des statuts spécifiques pour les collectivités Basque et Catalane nord. Dans les années 70-80, plusieurs propositions de découpage occitan avaient été formulées par Robert Lafont, Jean-Claude Lugan ou encore Volem Viure Al Paìs (VVAP).

Pour la partie nord d’Occitanie, la position sur Auvergne-Limousin était claire et unanime : une fusion permettrait de développer une politique cohérente. Dommage que 30 ans plus tard, la vision libérale écartèle ce territoire, au nom du postulat dogmatique qu’un territoire ne peut se développer que s’il est rattaché à une métropole. Ce n’est malheureusement pas Lyon ou Bordeaux qui vont permettre le développement de l’Auvergne et du Limousin tout comme ce n’est pas Paris qui a permis le développement des régions périphériques.

Pour la partie sud d’Occitanie, 2 alternatives étaient proposées : un découpage en 2 grandes régions (Bordeaux-Toulouse d’un côté et Montpellier-Marseille de l’autre), ou le découpage en 3 régions avec un rapprochement Toulouse – Montpellier. C’est finalement le découpage en 3 régions qui semblaient avoir le plus d’adhésion à l’époque, et qui par chance a été retenu par les dernières propositions de cartes à 13 régions. Bien sûr, il faudrait reprendre le ciseau pour donner une vraie cohérence à cette nouvelle région en traitant les questions de la Bigorre, du Gard ou du Gers, mais nous pouvons estimer bien lotis au vu des autres régions proposées.

Si la question des capitales est posée, une région avec un seul budget mais un fonctionnement avec deux chambres, tel que proposé par Gérard Onesta, aurait le mérite de régler cette question en en positionnant une à Toulouse et une autre à Montpellier. La chambre des citoyens représenterait la réalité des populations avec une bonne partie d’urbains et la chambre des territoires représenterait l’espace avec une plus forte présence des territoires ruraux, donnant une sortie par le haut au problème des représentants des départements ruraux. Au-delà des capitales, il y a les villes secondaires. La création d’un nouvel axe fort entre Toulouse et Montpellier mettrait en évidence des nouveaux flux avec l’émergence d’un hub maritime, ferroviaire et routier entre Narbonne et Béziers. L’isthme occitan entre Océan Atlantique et Mer Méditerranée pourrait reprendre une nouvelle vie, 350 ans après la naissance du canal des 2 mers, cher à Pierre-Paul Riquet.

 

En tant qu’élus nous pouvons profiter de ce moment de reconstruction du territoire pour le réinventer et relever les différents enjeux :

-       Economique : la dynamique de certaines régions en Europe démontre que l’appropriation d’un territoire par une population est un vecteur de développement, d’innovation car au-delà des situations sociales différentes, les populations ont en partage une culture commune.

-       Coopération : il est nécessaire de concevoir les territoires non isolés administrativement et de considérer qu’ils sont bordés par d’autres régions au nord comme au sud, au-delà des frontières des Etats. A ce titre, sur l’occitan, nous montrons qu’une coopération forte est possible entre Aquitaine et Midi-Pyrénées et demain avec d’autres régions y compris la Catalogne sans forcément devoir tous fusionner.

-       Démocratie : les consultations courageuses menées en Ecosse ou en Catalogne, et les forts taux de participation pour l’Ecosse montre que les citoyens sont intéressés par des projets politiques de territoires et peuvent se mobiliser s’ils y croient. Nous pouvons rêver d’une telle participation à des consultations dans nos régions, pour décider des découpages territoriaux par exemple. Cela aurait certainement plus de sens que les remodelages fait à distance dans un bureau parisien

 

La réforme territoriale, telle qu’elle est proposée, prend donc à l’envers la problématique de l’avenir de nos territoires et de leur développement. Malgré tout, cela ne doit pas nous empêcher pour en profiter pour se poser les vraies questions et ce que nous voulons construire pour demain.



[1] « L’effort multiséculaire qui fut longtemps nécessaire à notre pays pour réaliser et maintenir son unité malgré les divergences des provinces qui lui étaient successivement rattachées, ne s’impose plus désormais. Au contraire, ce sont les activités régionales qui apparaissent comme les ressorts de sa puissance économique de demain » (Charles de Gaulle, 24 mars 1968).

[2] « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisée pour ne pas se défaire » (François Mitterrand, 15 juillet 1981).

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