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Yves ROUQUETTE, un militant et un ami, nous a quittés.

6 janvier 2015

   C’est un grand crève-cœur que ce départ de l’Yves qui a porté sur ses épaules toutes les sensibilités et les contradictions de l’occitanisme réel. Mais qui peut affirmer avoir bien connu le militant ? L’homme est généreux (je ne peux dire « a été » tant il est toujours présent). Ses coups de gueule et ses propositions en politique nous faisaient frères, même quand nous pensions qu’il se trompait. Mais qui ne s’est jamais trompé ? Nous étions militants avec l’Yves de Volèm Viure Al Pais, pour le meilleur et pour le pire, dans une période où toutes les expériences et initiatives folles pouvaient être tentées. Los Carboniers de la Sala avaient ouvert une brèche. La chanson occitane avec ses interprètes avait  réactivé une conscience d’Oc. Chacun venait dans la bataille avec son histoire personnelle et sa conscience d’une Histoire à mettre en perspective. Avec les crispations d’une gauche prometteuse et d’une droite toujours aussi inintelligente qui ne comprit pas qu’elle allait s’échouer dans ce jardin caillouteux du Larzac, face à ses paysans têtus, face à sa jeunesse révoltée contre un camp militaire inutile ; un combat vainqueur qui permit paradoxalement à F. Mitterrand de refaire surface… La suite nous la connaissons tous, nous n’épiloguerons donc pas sur les attentes déçues et les rendez-vous manqués.

    Mais il y eut aussi des rendez-vous prometteurs où le mouvement syndical avança lors de la luttes des viticulteurs et aboutit à la grande manifestation de Montpellier, porteuse de centaines de drapeaux occitans, au début des années quatre-vingt. Les occitanistes qui y prirent la parole, comme Robert Lafont, le firent sans doute à titre personnel. Mais une ouverture populaire apparaissait possible. La rencontre de Mon Pais escorjat (1979) avait scellé l’échec de cette union de la gauche avec les forces populaires en pays d’Oc. Rouquette, lui, ne s’était pas fait d’illusion.

   Yves était un homme de conviction et d’action. S’il fut écrivain, homme de lettres, poète, conférencier, tribun au nom de son peuple, il fut aussi ce militant qui savait se déplacer pour défendre nos idées de liberté. Si Midi Libre rend hommage à sa façon à ce partisan d’une « Occitanie libre et rouge », il ne sait sans doute pas ce que signifiaient ces mots pour Yves et ceux qui oeuvraient jour après jour pour que le peuple occitan soit reconnu dans le droit fil de l’histoire et se réalise dans l’élaboration d’une conscience de soi donnée à tous. Cette autonomie, le mouvement en portait le projet et son ancrage à gauche n’avait rien à voir avec cette gauche jacobine pourvoyeuse de fausse monnaie et riche en fausses promesses. Cette dénonciation il la fit, même si sa tentation d’activer ce changement interne à la gauche fut amer. Mais qui ne fait rien n’a rien.

   Pour ne parler que de ce que nous avons fait en commun, je voudrais que nous gardions en Provence ce souvenir de nos rencontres : celle de la Seyne-sur-Mer en 78 où la salle comble de la Commune entendit sa parole forte après les chansons de libération de Claude Marti ; celle de nos interventions multiples où, après avoir introduit un débat en pays niçois, Yves me laissa présenter le mouvement. Lourde tache après une intervention forte comme il savait si bien les faire. Le combat prioritaire pour l’autonomie de l’Occitanie nous semblait au cœur du projet occitan. S’il l’est toujours, il s’est enrichi d’apports multiples dans les domaines culturel et linguistique, de l’entrée en société d’une jeune génération qui s’est mise à œuvrer concrètement dans le domaine économique et social. C’est sans doute ce combat des militants politiques occitans de cette période, celui des E.Fave, Berthoumieux, R.Lafont, G.Martin qui permet encore aujourd’hui de parler d’un pays occitan, d’une culture occitane et d’une langue dans son unité et sa diversité. Mais aussi de sortir du moule centraliste monarchique et d’une conception étroite, faussement universaliste de la république qui a renié son projet fédéraliste initial.

   Yves Rouquette, par sa volonté de mener de front le combat culturel et politique, avec toute la personnalité qui fut la sienne, a contribué à ce projet de libération et d’émancipation. Qu’il en soit remercié, lui le porteur d’un « occitanisme global » qui ouvre le chemin aux générations nouvelles.

 

Gérard TAUTIL

(6 janvier 2015)

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