http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AMarche-des-marseillois.jpg
Dans
les diverses manifestations que
nous avons connues ces derniers jours, les citoyens ont dit et redit
leur
attachement aux valeurs de la démocratie:
solidarité, tolérance et liberté
d'expression... et c'est bien ainsi. Mais que défendaient
là dans la
"Grand-Messe" élyséenne les
représentants d'Etats, qui bafouent chez
eux ces mêmes libertés ?
Et
que dire de l'attitude irresponsable
des députés français au
garde-à-vous sur les marches du Palais Bourbon
vociférant des appels à la haine et au sang: "Aux armes citoyens!... Qu'un sang impur abreuve nos
sillons!" ,
ce qui est en totale contradiction avec les discours officiels sur le
respect
de l'autre et surtout avec ce que défendaient les
caricaturistes assassinés. Les
"hommes" politiques et les medias qui propagent "à la une"
encore aujourd'hui ces paroles sanguinaires en connaissent-ils
l'origine et le
sens?
Rappelons
que l’apprentissage de la
Marseillaise est obligatoire dans les écoles
primaires depuis la loi du 23
avril 2005, introduite par un amendement du
député UMP Jérôme
Rivière, connu
pour ses sympathies à l’égard de
l’extrême droite. On inculque ainsi à
des
enfants un chant à "l'étendard
sanglant"
appelant à la guerre, alors que l’Europe doit se
construire sur des valeurs de
paix et de solidarité.
« Le Chant de guerre pour
l’armée du Rhin »,
titre initial de la Marseillaise,
fut
écrit par le capitaine Rouget de Lisle le 25 avril 1792 pour
encourager les
troupes françaises qui partaient en guerre contre
l’Autriche et la Prusse. La
Marseillaise est devenue l’hymne
national par une loi votée le 14 février 1879,
période à laquelle la France se
lance avec Jules Ferry dans les conquêtes coloniales en
Afrique et en Asie au
nom de « la
supériorité de la race
blanche » et afin de « répandre
les lumières du progrès et de la
liberté contre l’ignorance et la barbarie. »
En 1792 comme en 1879 c’est par les armes et le sang que la
France a prétendu répandre
ses idéaux d’humanité.
Ce
regain de nationalisme
bête et méchant d'aujourd'hui nous renvoie plus
d'un siècle en arrière. Une
époque où l'école, l'armée
et le catéchisme préparaient nos grands-parents
à
accepter une guerre européenne, qui fut le point d'orgue de
trente ans de
rivalités coloniales et de développement d'un
nationalisme revanchard, et qui
fut le départ d'un cataclysme universel séculaire
avec plus de cent millions de
victimes.
Jean
Jaurès écrivait le 30
août 1903: «
Que signifie, je vous prie, le
fameux
refrain du "sang impur"? - "Qu'un sang impur abreuve nos
sillons!", l'expression est atroce. C'est l'écho d'une
parole bien
étourdiment cruelle de Barnave. On sait qu'à
propos de quelques aristocrates
massacrés par le peuple, il s'écria:
"Après tout, le sang qui coule est-il
donc si pur?" Propos abominable, car dès
que les partis commencent à dire que le sang est impur qui
coule dans les
veines de leurs adversaires, ils se mettent à le
répandre à flots et les
révolutions deviennent des boucheries.»
Le
temps de la République
coloniale est révolu. Alors méfions-nous de ce
nationalisme exacerbé qui se
profile à l'horizon dangereusement et dispense d'une saine
réflexion sur les
inégalités sociales, culturelles,
économiques et sur les discriminations en
tous genres à l'intérieur comme à
l'extérieur de la République dite "une
et indivisible"…, mais qui
gagnerait en démocratie en étant "une
et diverse"!
Et
sans tomber dans
l'angélisme, suggérons à nos
députés d'apprendre et de chanter enfin l'hymne
de
l'Europe qui est un message de joie, de paix et de
solidarité voulu par
Beethoven dans son ode à la joie: "Dites-nous
que tout chemine vers la paix et vers l'amour…" !
Jòrdi
LABOUYSSE