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Quel "sang impur" ?

12 janvier 2015

 

http://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AMarche-des-marseillois.jpg

Dans les diverses manifestations que nous avons connues ces derniers jours, les citoyens ont dit et redit leur attachement aux valeurs de la démocratie: solidarité, tolérance et liberté d'expression... et c'est bien ainsi. Mais que défendaient là dans la "Grand-Messe" élyséenne les représentants d'Etats, qui bafouent chez eux ces mêmes libertés ?

Et que dire de l'attitude irresponsable des députés français au garde-à-vous sur les marches du Palais Bourbon vociférant des appels à la haine et au sang: "Aux armes citoyens!... Qu'un sang impur abreuve nos sillons!" , ce qui est en totale contradiction avec les discours officiels sur le respect de l'autre et surtout avec ce que défendaient les caricaturistes assassinés. Les "hommes" politiques et les medias qui propagent "à la une" encore aujourd'hui ces paroles sanguinaires en connaissent-ils l'origine et le sens?

Rappelons que l’apprentissage de la Marseillaise est obligatoire dans les écoles primaires depuis la loi du 23 avril 2005, introduite par un amendement du député UMP Jérôme Rivière, connu pour ses sympathies à l’égard de l’extrême droite. On inculque ainsi à des enfants un chant à "l'étendard sanglant" appelant à la guerre, alors que l’Europe doit se construire sur des valeurs de paix et de solidarité.

« Le Chant de guerre pour l’armée du Rhin », titre initial de la Marseillaise, fut écrit par le capitaine Rouget de Lisle le 25 avril 1792 pour encourager les troupes françaises qui partaient en guerre contre l’Autriche et la Prusse. La Marseillaise est devenue l’hymne national par une loi votée le 14 février 1879, période à laquelle la France se lance avec Jules Ferry dans les conquêtes coloniales en Afrique et en Asie au nom de « la supériorité de la race blanche » et afin de « répandre les lumières du progrès et de la liberté contre l’ignorance et la barbarie. » En 1792 comme en 1879 c’est par les armes et le sang que la France a prétendu répandre ses idéaux d’humanité.

Ce regain de nationalisme bête et méchant d'aujourd'hui nous renvoie plus d'un siècle en arrière. Une époque où l'école, l'armée et le catéchisme préparaient nos grands-parents à accepter une guerre européenne, qui fut le point d'orgue de trente ans de rivalités coloniales et de développement d'un nationalisme revanchard, et qui fut le départ d'un cataclysme universel séculaire avec plus de cent millions de victimes.

Jean Jaurès écrivait le 30 août 1903: « Que signifie, je vous prie, le fameux refrain du "sang impur"? - "Qu'un sang impur abreuve nos sillons!", l'expression est atroce. C'est l'écho d'une parole bien étourdiment cruelle de Barnave. On sait qu'à propos de quelques aristocrates massacrés par le peuple, il s'écria: "Après tout, le sang qui coule est-il donc si pur?" Propos abominable, car dès que les partis commencent à dire que le sang est impur qui coule dans les veines de leurs adversaires, ils se mettent à le répandre à flots et les révolutions deviennent des boucheries.»

Le temps de la République coloniale est révolu. Alors méfions-nous de ce nationalisme exacerbé qui se profile à l'horizon dangereusement et dispense d'une saine réflexion sur les inégalités sociales, culturelles, économiques et sur les discriminations en tous genres à l'intérieur comme à l'extérieur de la République dite "une et indivisible"…, mais qui gagnerait en démocratie en étant "une et diverse"!

Et sans tomber dans l'angélisme, suggérons à nos députés d'apprendre et de chanter enfin l'hymne de l'Europe qui est un message de joie, de paix et de solidarité voulu par Beethoven dans son ode à la joie: "Dites-nous que tout chemine vers la paix et vers l'amour…" !

Jòrdi LABOUYSSE

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