Accueil > En direct > Actualités > Kristian Guyonvarc’h (UDB / R&PS) : contre la TVA "sociale"

Kristian Guyonvarc’h (UDB / R&PS) : contre la TVA "sociale"

7 janvier 2012

Guipavas, le 5 janvier 2012

Il faut combattre très fermement le projet de TVA dite faussement « sociale » que Nicolas Sarkozy a ressortie de son chapeau à la faveur de ses vœux télévisés. Il faut le combattre pour plusieurs raisons :

— cette TVA faussement sociale est injuste car elle dégraderait les conditions de vie des classes modestes et moyennes qui consacrent une part importante de leurs revenus aux achats de biens ordinaires (« les 10% des ménages les plus pauvres consacrent 11,5% de leur budget au paiement de la TVA, quand les 10% les plus riches n’en consacrent que 5,2% », Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, dans Ouest-France du 4 janvier 2012),

— elle est inefficace économiquement car la diminution des cotisations sociales serait sans commune mesure avec les différentiels de coût du travail entre la France et les pays émergents (rapport de 1 à 30 avec la Chine), donc sans effet réel sur la concurrence que les productions de ces pays font aux productions réalisées en France,

— elle camoufle une des causes majeures de la dégradation des comptes sociaux, à savoir la baisse de la part des revenus du travail dans la richesse nationale au profit des revenus financiers (« la part, dans la valeur ajoutée, des dividendes nets versés aux actionnaires est passée de moins de 3% à plus de 8% en vingt-cinq ans, pendant que la part des salaires reculait de 8 points », Christiane Marty, de la Fondation Copernic, dans Libération du 3 janvier 2012). Or cette évolution-là a une seule explication : une fiscalité française devenue plus favorable aux revenus financiers. Inutile donc d’aller chercher des boucs émissaires à l’étranger.

Ne pas soumettre le devenir de la protection sociale aux fluctuations politiques

Transférer le financement de la protection sociale d’un système de cotisations assises sur les revenus du travail vers la fiscalité présente un inconvénient et un risque social majeur : soustraire les représentants des salariés et des travailleurs indépendants du tour de table des décideurs et soumettre le devenir de la protection sociale aux fluctuations politiques. Un gouvernement qui voudrait revoir la protection sociale à la baisse n’aurait qu’à réformer la fiscalité en s’appuyant sur sa majorité parlementaire. Exit les partenaires sociaux. Certains en rêvent !

Seule la contribution des revenus du capital au financement de la protection sociale, qui est très insuffisante aujourd’hui, doit être fiscalisée. Une révision de la CSG ou sa fusion avec un impôt sur le revenu rénové peut permettre d’augmenter la contribution des revenus du capital.

Changer notre vision du monde en construisant un vrai partenariat avec l’Afrique

« Un partenariat avec l’Afrique ? » « Hors sujet ! »… Au contraire, on est au cœur de ce qui mine l’Europe, son économie et son modèle social aujourd’hui, à savoir l’incapacité des élites européennes à construire une alliance dynamique avec les Africains sur lesquels elles projettent toujours le regard, à la fois paternaliste et cupide, qui était le leur au 19ème siècle. Or, le nouveau contexte mondial commande un changement radical.

Depuis trente ans la globalisation libérale fondée sur la volatilité des marchés financiers, en généralisant la concurrence entre des pays où les conditions salariales, sociales, sanitaires et environnementales de production sont très inégales, a fortement contribué à désindustrialiser les économies européennes et nord-américaines. Ce processus a produit du chômage de masse et de la précarité en Europe. Même l’Allemagne, au fort excédent commercial, n’y échappe pas car la dégradation du statut salarial et la précarisation de l’emploi se sont accompagné d’une baisse des revenus du travail. Pour autant il serait hypocrite et démagogique de ne pas reconnaître que la globalisation des échanges commerciaux a aussi contribué à sortir de la misère une partie, une partie seulement mais une partie tout de même de la population des pays émergents (Chine, Inde, Indonésie, Brésil…). Nous devons aussi nous souvenir que les pays occidentaux, la France en tête, ont profité de ce système durant plusieurs siècles (car la globalisation vient de loin) dans le cadre de l’ancien régime colonial qui faisait des colonies des marchés captifs et de leurs peuples des masses corvéables à merci, y compris sous la forme de chair à canon. Les pays émergents ne manquent d’ailleurs pas de nous le rappeler. Cette « dette historique », la France et l’Europe doivent l’assumer en proposant un vrai partenariat économique et social au continent qui, par sa croissance démographique, est la clé de notre avenir : l’Afrique.

L’Afrique va voir sa population passer d’ici 2050 de 1 à 2 milliards de personnes, qu’il va falloir nourrir, éduquer, former. Aujourd’hui il ne s’agit plus de piller les richesses de l’Afrique mais de construire en Afrique, avec les Africains, les conditions d’un développement soutenable, notamment en investissant dans l’agriculture vivrière, à la campagne mais aussi autour des grandes villes (maraîchage), dans les infrastructures de transport durable et dans la formation. L’économie européenne y gagnera, à condition d’agir autrement que les nouveaux colons que sont les capitalistes d’Asie du sud-est et de la péninsule arabique qui ont déjà mis la main sur 32 millions d’hectares de terres africaines, soit l’équivalent de la SAU (surface agricole utile) de la France ! Non pas pour nourrir les Africains mais pour approvisionner les marchés asiatiques, y compris pour alimenter en soja des élevages intensifs de porcs ou de poulets ! Cela devrait rappeler quelque chose aux Bretons… D’ailleurs certains leaders de l’agriculture intensive en Bretagne accompagnent le mouvement : après le Brésil, maintenant la Chine, le Vietnam, l’Arabie Saoudite… Dommage que les observateurs de la chose économique en Bretagne n’y regardent pas de plus près.

Une fiscalité écologique peut permettre de lutter contre les effets de la globalisation libérale sans nuire au revenu des classes modestes et moyennes

Une politique dynamique de l’emploi et de l’investissement productif en Europe ne peut en aucun cas se concevoir en dégradant les systèmes de protection sociale. Elle passe par une fiscalité écologique qui incite à produire au plus près des bassins de consommation en taxant les produits qui s’inscrivent dans des circuits longs, qu’il s’agisse de produits manufacturés ou de produits primaires (agricoles notamment) susceptibles d’être produits localement. Il ne s’agit pas de protectionnisme puisque la liberté de s’établir sur le marché européen serait garantie : libre à un investisseur indien de produire du blé noir en Bretagne pour approvisionner le marché européen. Il ne s’agit pas de protectionnisme puisque la liberté de commercer serait garantie : libre à un investisseur breton de produire du poulet hors d’Europe pour le vendre sur le marché européen mais, dans ce cas, sa production sera fortement taxée. Il s’agit donc d’orienter l’économie mondiale vers de nouvelles bases, écologiques et sociales. La France doit en défendre le principe au niveau européen afin que l’Europe agisse dans ce sens au niveau international. Cela suppose évidemment que les élites politiques européennes s’affranchissent de l’orthodoxie néolibérale.

C’est à des enjeux de cette dimension, qui vont conditionner notre avenir collectif, auxquels la campagne présidentielle devrait se consacrer plutôt qu’au sempiternel combat autour des petites phrases (« c’est l’histoire d’un mec… ») qui ne fait qu’alimenter le rejet de la politique et la démagogie populiste.

Christian GUYONVARC’H
Conseiller régional de Bretagne / kuzulier-rannvro Breizh

Groupe UDB (Union démocratique bretonne), autonomie et écologie

© Partit Occitan 2009 | Contact | Mentions légales | Plan du site