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Intervention de G. Aliròl, président du Partit Occitan

18 janvier 2004

Congrés de Montpellier 17/18 01 2004

Gustave Alirol, président du Partit Occitan :
" Si jamais il y a un avenir pour notre langue et notre culture, il est dans une perspective interrégionale (...). Il y a nécessité de maintenir un ancrage territorial de l’idée occitane "

(Extraits de son intervention)

Politique intérieure

Depuis l’échéance présidentielle du 21 avril 2002, tout ce qui s’est mis en place découle du fait qu’on est en face d’un systéme institutionnel, politique, à bout de souffle. Nous avons une République régalienne, une République d’Ancien Régime, et donc, quelque part, ce régime est sur sa fin. Nous avons un monarque élu, J. Chirac qui correspond, en gros, à Louis XVI en fin de régime, même s’il se prend pour Louis XIV. Par exemple, son annonce sur le " voile islamique ", sous le projecteur des médias attentifs qui voulaient savoir si on aurait une loi ou pasÉLe Président monarchique l’a dit : on aura donc une loi ! Le deuxiéme personnage principal, le 1er ministre, qui est un " nouveau Necker ". Ministre des finances de Louis XVI, qui par sa politique a accéléré la révolution française... Necker avait créé des assemblées provinciales contre les anciens Parlements qui étaient chargées de décider de l’impït. La décentralisation sert à assumer les charges dont l’État ne veut plus, et on n’est pas loin des assemblées provinciales de Necker, même si elles n’ont pas fonctionné.

Décentralisation

Dans ce projet avorté, on a déconsidéré durablement l’idée de décentralisation, dans une France qui, déjà, la considérait d’un mauvais œil. Derriére le mot de décentralisation, ce gouvernement a la volonté de moderniser la centralisation, de l’adapter une nouvelle fois, aprés ce qu’avait fait la gauche dans les années 82-83. J’avais dit à l’époque que la décentralisation, dans sa premiére forme, c’était une adaptation de la centralisation à l’heure du TGV. Avec la phase Raffarin, c’est une adaptation à l’heure de l’internet. On assiste à un renforcement du systéme institutionnel et finalement des départements. Elle est à l’opposé de la stratégie autonomiste que nous défendons... Ce n’est qu’à la gestion que l’on convie les collectivités. Elle se fait aussi dans une optique trés libérale. Ce n’est pas étonnant : Raffarin vient du pïle Démocratie libérale, la partie la plus libérale de l’ancienne UDF. Aussi, il cherche à désengager l’État dans des domaines où selon lui la puissance publique ne devrait plus intervenir. Pourtant la révision de la Constitution n’est pas en soi négative ; il y a quelques principes qu’on peut accepter comme le principe qui veut que tout transfert de charges doit être accompagné d’un transfert de ressources. Malheureusement, la Constitution ne contient pas de véritables garanties à cet égard. Il y a peu de chances qu’on s’en serve dans l’optique qui est la nïtre. Autre apport constitutionnel de la réforme, l’idée qu’il nous serait possible de créer des collectivités à statut spécial (idée pour le Pays Basque par exemple ou la Savoie - encore qu’elle a besoin pour l’instant d’une collectivité identique à celles qui existent ailleurs) ; mais cela pourrait être le cas pour nous, pour l’ensemble occitan. Parce qu’aprés tout, on peut imaginer une collectivité ayant comme compétence particuliére la question linguistique et culturelle. Alors une déception ? Non, car personne ne croyait que Raffarin allait mettre en place quelque chose qui réponde à nos aspirations. Nous avons participé aux débats sans état d’âme.

La diversité culturelle

Derriére les grandes déclarations de principe des ministres de la culture et des libertés locales lors de l’opération médiatique des Assises des langues de France (oct. 2003), aucune politique n’a été esquissée et rien ne laisse entendre qu’il y ait demain une ouverture quelconque. Ces Assises ont un but premier : redorer le blason de l’État français sur la scéne internationale. Elle connaît à, ce niveau des difficultés : celles liées à sa position sur la laïcité aujourd’hui et sur la non reconnaissance de la diversité culturelle. Championne de la diversité culturelle quand il s’agit de défendre la langue et la culture françaises, elle ne respecte pas ces principes - sur son propre territoire - qu’elle voudrait voir fonctionner au niveau international. À l’ONU ou dans d’autres instances européennes, chaque fois que ces questions sont posées, le gouvernement se fait reprendre.

Autonomie

Le parti doit maintenir d’une maniére ferme son orientation autonomiste. Etre autonomiste, c’est être contre le régionalisme et contre le nationalisme français, occitan ou le communautarisme occitanien dans l’ensemble français. Cela veut dire qu’il faut maintenir la perspective pan-occitane. Si jamais il y a un avenir pour notre langue et notre culture, cet avenir n’existe pas à l’échelle d’une quelconque région administrative, mais il est dans une perspective interrégionale. Combat contre le localisme, contre le régionalo-technocratisme, avatar du centralisme. Défendre les régions administratives telles qu’elles sont aujourd’hui, ce n’est pas possible. Ce n’est pas dans ce cadre qu’on peut mener une véritable politique culturelle et linguistique occitane. Il y a nécessité de maintenir un ancrage territorial de l’idée occitane. Il y a des pseudo anti-régionalistes et des pseudo occitanistes qui soutiennent que la langue occitane pourrait être enseignée sur l’ensemble du territoire français. Cette perspective est une perspective communautariste, et communautaristes, nous ne sommes pas. Nous ne sommes pas pour faire des communautés à l’intérieur d’un territoire. Or, tout ancrage territorial évite cette perspective communautariste.

Jouer tout son rôle politique

La question occitane doit être défendue dans une perspective hexagonale et européenne. L’idée d’autonomie c’est la traduction de la subsidiarité, notre niveau de traduction des choses qui nous concernent. L’ensemble occitan, inter-régional, peut trés bien constituer une eurorégion. Cela nous impose une cohérence dans nos relations avec nos amis de Régions et Peuples Solidaires, ainsi qu’avec le Parti démocratique des Peuples d’Europe. En 1987, lors de sa création, le Partit occitan s’est défini comme un parti de progrés et de justice sociale, de centre gauche. Il n’est pas un parti d’ultra-gauche. Le progrés suppose des évolutions, même pour la république. Sur l’échelle politique, quand nous entrons en concertation avec la gauche hexagonale, et dans les débats actuels initiés par les Verts, (en concertation avec le PS et d’autres partis), nous avons notre position à défendre (R&PS et ses composantes), à expliquer. Nous ne sommes inféodés à personne. Nous devons être présents là où un débat politique existe.

L’élargissement et la constitution européenne

Toute la classe politique n’accepte de rentrer dans le processus européen que dans la mesure où la France est leader, dans la mesure où les autres États d’Europe accepteraient sa vision du monde et de la politique : le systéme républicaniste qui est le nôtre. L. Jospin disait il y a quelques années déjà "†Faire l’Europe pour faire la France ". Avec Chirac, le discours n’est pas différent et il s’y prend de la maniére la plus maladroite qui soit.

La gauche

Depuis le 21 avril, elle est complétement k.o... Le PS est paralysé par son substrat idéologique qui fait qu’il se contente d’une critique négative, inaudible. Elle est d’autre part fortement influencée par l’extrême gauche en raison de ses résultats électoraux et elle est donc incapable d’assumer les questions politiques d’aujourd’hui ; elle est ancrée dans une problématique franco-française, la fameuse " exception française " est valable pour la gauche comme pour la droite. Ne parlons pas de Chevénement ni de sa nouvelle formation. Les Verts, organisation qui reste la plus ouverte, n’ont pas de politique autonome... Ils se fondraient comme le souhaiterait l’ex-leader D. Voynet, dans la gauche, qu’ils finiraient par disparaître. La gauche n’a pas de projet politique. La leçon de ce 21 avril n’a pas été tirée : les citoyens n’ont pas voté Le Pen, mais par défaut. Ils ont voté contre le systéme politique et les partis en place. La classe politique ne veut pas l’accepter car c’est une remise en cause fondamentale. Alors elle cadenasse le systéme institutionnel. Finalement, il y a eu des protestations trés faibles de la part du PS et de la gauche, car le PS, tel qu’il conçoit la vie politique, en a besoin aussi. Le vote protestataire pour le FN risque de se reproduire même dans un systéme cadenassé. Mais la bipolarisation que nous critiquons tous est une réalité. Peut-être y a-t-il des réactions sympathiques pour permettre un peu de respiration au sein du systéme - Bayrou vis-à-vis de l’UMP, ou avec les Verts, peut-être. Mais sans plus.

Le chantage au FN

Si nous allons à une élection, qu’on cesse de nous dire que nous faisons le jeu du FN. Au contraire, si nous allons à une élection dans le systéme tel qu’il est, si nous n’acceptons pas de passer dans le moule de la bipolarisation, rentrer dans un jeu d’alliances, à gauche ou à droite, cela ne veut pas dire que nous faisons le jeu du FN. Ceux qui voteront pour nous ne voteront pas pour le FN. On ne peut accepter ce diktat, ce serait rendre un mauvais service à la démocratie.

Le “ voile islamique ”

La loi qui doit être votée découle d’une démarche initiée par la commission Stasi. La gauche va sans doute s’opposer (il y a eu consensus sur les termes à employer ! ndlr). Cette loi risque d’aboutir au contraire de l’effet recherché ; on en a la preuve aujourd’hui avec une manifestation, on exacerbe les conflits, alors qu’au contraire on aurait dû les résoudre pacifiquement. Tout cela tient à une certaine conception de la laïcité à la française, le laïcisme qui ne touche pas qu’aux questions religieuses mais qui risque demain de toucher aux questions proprement culturelles. Les députés UMP, à ce sujet, se sont exprimés : la laïcité devrait supprimer toutes les diversités, pas seulement religieuses à l’école, mais aussi " culturelles ". Et demain on appliquera cette loi à l’enseignement des langues régionales : c’est cela le républicanisme de cette fin de systéme politique.

Les élections

Aprés notre échec aux législatives, nous savions qu’aprés le 21 avril, tout irait contre un choix démocratique. Pour l’occitanisme politique c’est la premiére fois qu’il y avait des candidatures dans plus d’un tiers des circonscriptions occitanes. C’est un point de départ et c’est pourquoi ces élections qui arrivent sont importantes. Le Partit Occitan se porte mieux en 2004 qu’il se portait en 2003 et qu’il se portait en 2001 ! Nous avons recruté depuis deux ans et notre travail commence à porter ses fruits. Il faut aller aux échéances électorales quand on est un parti politique. Certes, il faut réaliser aussi un travail militant de terrain, même si celui-ci est différent de celui des années 70. Mais il faut aller aux élections trés sérieusement avec nos propositions politiques, chaque fois que nous pouvons y aller. Si nous n’étions pas allés aux législatives, on ne discuterait même pas aujourd’hui d’une participation quelconque, autonome ou en listes de rassemblement. Et les circonscriptions régionales - mises en place par la gauche - pouvaient déjà être négatives pour nous quand ont connaît la grandeur des régions administratives (Midi-Pyrénées, Provence...) comparées au mode de scrutin par département. La barre des 10% a été faite contre les petites formations. Cela va nous imposer d’avoir une attitude nouvelle qui n’est pas forcément négative. Il faut savoir positiver et inventer de nouvelles tactiques, même si on va tout faire pour rapporter les enjeux régionaux à la " priorité nationale ". La gauche va appeler à voter contre le gouvernement Raffarin, la droite contre le FN. Pour le Partit Occitan, si les prémisses se confirment, notre présence sera la plus forte qu’elle n’a jamais été. Trois objectifs doivent être réaffirmés : la prise en compte du fait occitan, l’alternative au vote de la désespérance, des résultats en termes d’élus. Nos revendications de base sont : politique de la langue occitane (revendications au niveau de l’État, changement de l’article 2 de la Constitution, ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, mise en place du Conseil Interrrégional de la langue et de la culture occitanes) ; politique d’aménagement du territoire et maintien des services publics dans une optique régionale ; la fiscalité différenciée du cïté des entreprises dans les territoires ; le foncier, question centrale dans le systéme libéral (droit de propriété et intervention publique entrant en concurrence).

La fédération Régions & Peuples Solidaires et la question occitane

Devant tous nos amis de la fédération qui participent à notre congrés, je tiens à redire que la question occitane est au cœur du combat que nous menons. Difficultés visibles au regard de l’étendue du territoire, mais surtout des enjeux qu’elle pose pour la République en France. La France peut trés bien accorder l’indépendance ou l’autonomie à la Corse, la Bretagne, la Savoie, elle restera la France. De même pour l’Alsace. Que la Bretagne, le Pays Basque deviennent autonomes, c’est aussi pensable. Mais la République n’a jamais existé sans l’ensemble occitan. Et ce ne serait plus la France. C’est donc notre responsabilité de faire évoluer la République pour que nous ayons la possibilité de respirer dans cet ensemble-là. Et c’est aussi de la responsabilité des autres de nous aider, parce qu’en nous aidant ils s’aident eux-mêmes. La solidarité dans la fédération doit se renforcer dans une période qui va sans doute devenir encore plus difficile parce que les enjeux resteront toujours aussi importants et les possibilités souvent réduites.

L’alter mondialisme

Il y a des aspects plus qu’intéressants dans ce nouveau positionnement politique ; on peut y voir une autre façon d’aborder les questions de politique et de société, ce que les partis traditionnels ne veulent pas faire parce qu’ils sont trop impliqués dans une vision franco-française des problémes, vision nationaliste pour être clair. L’irruption de la société mondiale dans notre vie quotidienne impose une autre façon d’aborder ces problémes. Cette prise en compte, le Partit Occitan est capable de l’assumer, il est en phase avec cette démarche de ce point de vue-là. Ceci dit, j’aurai quelques questions à poser à cette mouvance alter mondialiste : nous ne pouvons accepter qu’il prïne un repli étatiste sur les États-Nations traditionnels. Nous ne pouvons accepter davantage la mise sous le boisseau de nos revendications en termes d’identités, occitane notamment. On le voit trés bien dans le mouvement alternatif qu’il y a dans la mouvance alter mondialiste. D’où l’intérêt qu’il y a avec le mouvement Gardarem la Térra, initié cet été sur le Larzac et qui consiste à faire prendre en compte la question occitane dans le courant alter mondialiste. Le danger dans l’alter mondialisme serait de croire en un nouveau messianisme. Il y a de gros risques de ce cïté : le mouvement pose de bonnes questions mais n’apporte pas de réponses. Et même parfois les refuse quand il y en a parfois proposées par d’autres. Attention au risque de nouvelles déceptions et désillusions. Je crois que notre rïle - quand nous intervenons auprés de ce courant - c’est de faire en sorte que l’alter mondialisme ne soit pas un nouveau leurre politique, un nouveau Messie aprés lequel tout le monde ira courir et passer à cïté des vrais problémes.

Union des occitanistes et responsabilité politique

" Je lance un appel à tous les occitanistes, et plus particuliérement aux impatients, souvent malheureusement incohérents. Ils s’imaginent que tout peut arriver demain matin, notamment sans effort. Le travail du parti et le fait que nous en sommes là aujourd’hui, est un travail de trés longue haleine. Les avancées sont difficiles à concrétiser. Néanmoins, il faut accepter cette démarche. Le Partit Occitan n’a pas l’intention de foncer droit dans le mur. Il a l’intention de vous proposer, et notamment aux jeunes amenés à prendre la reléve, la possibilité d’intervenir directement dans le débat politique, s’ils espérent devenir des responsables politiques dans nos régions. "

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