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Propositions pour un programme occitan du 1er janvier 2006

15 décembre 2005

Ces propositions s’autorisent d’une constatation d’ensemble : le monde a muté depuis une cinquantaine d’années. Ne pas en tenir compte est un aveuglement que la prudence “ raisonnable ” ne peut excuser. Il faut désormais abolir l’opposition entre l’utopîe longue et le réalisme court. Le monde ne nous attend pas.
Il faut aussi abolir la distinction entre le local et le “ global.” Le Larzac nous a appris, bien avant Seattle, que les problèmes mondiaux se laissent analyser et que l’espérance des peuples peut être reçue en un lieu quelconque de la Planète.
En conséquence, je propose une déclaration du genre : “ Les Occitans sortent de leur cocon ”, qui devrait poser que nous nous considérons (enfin !) non comme des régionalistes, mais comme un “ Sujet d’Histoire ” à l’échelle de notre époque. Une échéance apparaît pour une diffusion d’une telle pensée : le Forum social mondial de Bamako, Caracas et sans doute Porto-Alegre entre le 19 et le 29 janvier prochain..
Voici donc ces réflexions :

I - BILAN CRITIQUE

EUROPE I - La fin de la deuxième guerre mondiale a superposé un impérialisme soviétique à la restauration des nationalismes étatiques entérinés au Traité de Versailles et responsables du rebondissement du conflit. La chute du Mur des Berlin a signifié le fin de l’Empire soviétique sans que le découpage étatique soit modifié (sauf pour le couple Allemagne-Pologne) ni ses fondements nationalistes invalidés. Ces derniers ont été au contraire aggravés par un retour aux valeurs traditionnelles antérieures à l’expérience communiste. En conséquence l’Europe actuelle ou prochaine (à 25) renouvelle en pire tous les dangers qui ont mené au cataclysme de 1939-45.

EUROPE II - Le projet d’une Europe fédérale (Congrès de la Haye, 1948) désamorçant les conflits a été remplacé d’emblée par une entente institutionnelle interétatique donnant pouvoir décisionnel aux chefs d’États ou de gouvernements porteurs du principe intouchable de souverainisme , c’est-à-dire de tous les conflits potentiels. En cinquante ans, ce durcissement à été encouragé par trois accrocs institutionnels : celui ouvert par le gaullisme et dénoué (au pire) par la création du Conseil européen, celui ouvert par le thatchérisme, qui a fossilisé l’exception britannique au budget commun,, celui que Maastricht, Amsterdam, Nice qui ont a conduit à un Traité constitutionnel, qui risquait d’éterniser pratiquement la situation acquise.

EUROPE III - Aucun principe d’organisation géographique n’a présidé aux élargisssements successifs. Seule a joué la “ politique du guichet ”. En conséquence, toutes les contradictions historiques, culturelles, économiques, sociologiques ont été absorbées, palliées douloureusement par des aménagemnts du Marché. Aujourd’hui est débattu un élargissement à la Turquie qui mettrait le pied de l’Europe sur l’Euphrate, au point le plus dangereux de la Planète , et déséquilibrerait son assise culturelle au bénéfice d’une hégémonie sociétale islamique.

EUROPE IV - Dans l’après-guerre de 1945, en Europe occidentale se sont rermises en place pour l’essentiel les classes politiques professionnelles antérieures. Elles se sont perrpétuées sur le principe de deux familles affrontées, gauche et droite, qui ont trouvé dans l’alternance ou la cohabitation le moyen de se maintenir grosso modo dans leurs avantages. Elles ont constitué des réseaux de clientèle enserrant les corps électoraux, dont le seul souci est l’accès au pouvoir d’État, et se sont enfoncées dans une ignorance de plus en plus grande des besoins de leurs pays et des mouvements profonds des sociétés. Les deux traits qui leur sont actuellement communs sont de ce fait l’incompétence et la corruption.

EUROPE V - Le grand événement du siècle a été l’affrontement du bloc occidental et du bloc communiste. Il a pris fin avec l’écroulement du second. Dans les effets d’une globalisation des échanges et de la mondialisaton économico-bancaire, l’espace planétaire, à peu d’exceptions près, a été ouvert à l’omni-présence d’un néo-capitalisme sous le bouclier de la superpuissance des USA..La construction européenne a suivi cette évolution, jusqu’à en devenir l’un des instruments principaux. Le Traité constitutionnel actuellement suspendu faisait et menace toujours de faire de ce néo-capitalisme du libre échange une règle obligatoire de gestion socio-économique

EN CONCLUSION, le projet européen, d’espérance qu’il était au sortir du cataclysme de la guerre de 1939-45, s’est alourdi de tellement de malfaçons et de périls qu’il s’est transformé en une menace globale. Il paraît exclu qu’il puisse échapper à moyen terme à une série de crises entraînant les sociétés dans le démantèlement et la décadence. Son élargissement actuel les rend inévitables.

FRANCE I - Vaincue militairement, vidée de sa puissance compétitive, la France a pourtant terminé la guerre dans le camp des vainqueurs. Elle a vécu jusqu’à ce jour cette contradiction sans l’éteindre. Elle fonctionne suivant une illusion civique surévaluant ses possibilités et exaspérant un nationalisme crépusculaire, qui prend actuellemnt la forme d’un retour justificatif sur le colonisation même..

France II - La crise de décolonisation française, la seule majeure avec la crise portugaise dans le camp des anciennes puissances colonisatrices, s’est prolongée en Afrique par la présence de populations européennes jouissant d’avantages particuliers, le soutien de gouvernements corrompus et de forces d’intervention militaire. Elle a pris un aspect humainement dévastateur dans la coulisse du génocide rwandais On ne peut présentement la dire terminée, comme le prouvent Côte d’Ivoire et Togo. Elle continue à alimenter dans l’ex-métropole comme dans les ex-colonies un affairisme qui corrompt l’exercice de la démocratie.

FRANCE III - Le système français d’administration hypercentralisée du Territoire a été reconduit tel quel à la Libération. Travaillé intérieurement par les exigences d’un marché capitaliste objet de concentrations successives, il a pris dans les années soixante du siècle dernier l’aspect d’une remodélisation de le carte de la production et d’une refonte des sociétés régionales, dénoncé alors comme une “ colonisation intérieure ”. Les mouvements de protestation populaire qui ont marqué cette échéance ont abouti aux résultats notablement insuffisants, très en retrait sur les régionalisations des autres États, de la Loi Defferre. Depuis lors, cette réforme a été investie elle-même par la classe politique inchangée et a servi aux nouvelles étapes du remodelage territorial. La “ colonisation intérieure” a pu se camoufler d’un mieux-être général des sociétés, au prix de leur modification, mais elle reste fonctionnellement en place, et grippe tout progrès des sociétés locales dans leur cadre de vie.

FRANCE IV - La réponse à la modernisation capitaliste et à la “ nouvelle société ” des années 50 du siècle dernier, a rencontré les tendances chauvines et droitières de tradition en France. Le résultat a été que l’antérieure protestation “ à gauche ” a été doublée par étapes de plus en plus graves (jusqu’à approcher récemment d’une conquête de l’État) d’un repliement à l’extrême droite (Front National). Corollairement, la soumission de l’appareil politique tout entier aux impératifs du marché capitaliste a fait disparaître toute différence effective entre le libéralisme de droite et le socialisme réformiste. L’opposition droite-gauche qui domine la vie électorale est désormais sans contenu. Elle ne sert plus qu’à recouvrir d’un leurre la véritable menace ; l’utilisation du repli réactionnaire de l’opinion par l’accélération du système capitaliste.

FRANCE V - Au cours des cinquante dernières années, l’appareil d’État français a été pour la première fois depuis des siècles assailli par la revendication des minorités linguistiques et culturelles qu’il encadrait et réprimait impunément. Il a répondu par un réformisme parallèle à l’insuffisance de sa régionalisation et au camouflage de son colonialisme intérieur. En même temps, sous la pression de l’immigration du Tiers Monde, se sont créées sur le territoire national de nouvelles minorités, longtemps parquées dans une marginalité de statut civique et d’habitat. Actuellement , avec le choc en retour de leur révolte, c’est le système tout entier de la société française à la fois intégratrice et sélective à la fois, niant en même temps qu’elle l’approfondit toute différence, qui est mis en cause.

EN CONCLUSION, la France “ intoxiquée de France ”, est en train de vivre le crise des valeurs qu’elle a proclamées sans les appliquer jamais. C’est un État hyperarchaïque, condamné paradoxalement à la gestion d’une mutation sociologique gigantesque, déménagé intérieurement de son contenu économique (le “ Marché national ”), qui n’a plus de recours contre la crise qui inéluctablement le déchire, que celui, politique, qui se prépare actuellement, d’un régime autoritaire destructeur du droit. Il nous faut bien considérrer que la France, ses structures vermoulues, ses préjugés tenaces, son aveuglement essentiel sont le véritable empêchement au progrès et même au simple sauvetage de la société qu’ ils encadrent.

LE MONDE I - Le fait nouveau, apparu dans les dernières décennies, principalement depuis l’écroulement du système étatique communiste, est “ l’Empire universel ” des USA. Il se trouve cependant confronté à des situations nouvelles qu’il n’avait pas prévues., dont la révolution islamique radicale avec son instrument de terrorisme endémique, contre laquelle les prétendues démocraties, fruits de l’évolution européenne occidentale, n’ont que des armes auto-destructrices comme la restriction des libertés civiques et la guerre permanente ;

LE MONDE II - L’entrée du Tiers Monde dans une phase productiviste et concurrentielle, dont la Chine fournit l’exemple limite et que le système capitaliste lui-même alimente et accélère en y participant par l’investissement, crée un motif d’affrontement mondial dont la “ guerre froide ” n’était qu’un avant-goût précisément “ gelé ”, donc immobile. .Le monde n’est pas à l’abri de conflits apocalyptiques ou, ce qui revient au même, d’une chaîne de conflits régionaux ravageurs.

LE MONDE III - Le type de pouvoir qui s’est installé dans l’Empire mondial des USA, qui revient à la mise au service d’intérêts financiers égoïstes et à courte vue d’une puissance politique et militaire sans mesure, aboutit ,comme on le voit bien, à une surexploitation des ressources de la Planète et pratiquement à la destruction du cadre de vie de l’humanité. Cette menace vient de passer à l’échelle de quelques décénnies. C’est peu de dire qu’il y a urgence.

LE MONDE IV - L’uniformisation culturelle en cours par les effets d’une planétarisation des contacts interindividuels (Internet), l’homogénéisation des comportements sociaux, la destruction des différences héritées, tout cela contrôlé et accéléré par un système économique qui en tire un principal profit, met l’humanité au péril de devenir une masse indistincte, en perte d’esprit critique et de besoin d’indépendance, incapable de “ faire son histoire ”.

LE MONDE V - La vague nationalitaire qui avait trouvé à la fin de le première Guerre mondiale un exutoire étatique (qui s ‘est révélé pire que le mal) est reparue un peu partout dans le monde, aux portes mêmes de l’Europe, dans les Balkans. Elle a deux aspects : si elle se joint à une volonté de libération sociale, de développement pacifique des cultures et des langues, elle est un ferment et un levier d’avenir, comme c’est la cas dans le réveil indigène du Tiers Monde. Si elle revigore des chauvinismes natrionaux, et alimente des conflits de voisinage, elle est un retour à la sauvagerie guerrière et à la bêtise raciste.

EN CONSÉQUENCE, il n’est pas déraisonnable de pousser un cri d’alerte. Nous n’en sommes plus à des conflits sociaux où s’engage seulement iun progrès politique. Nous en sommes à l’orée d’un temps fondamental où se joue la survie de l’Homme. Il est urgent, là où nous sommes, selon ce que nous sommes de nous associer. aux projets les plus généreux. “ Un autre monde est possible ”. pour nous et pour tous les peuples de la Terre.

Nous décidons donc, là où nous sommes, selon ce que nous sommes, d’énoncer sans timidité ni restriction, le projet global qui s’énonce en cinq propositions :

  1. Il est indispensable et urgent pour l’avenir de l’Homme que les sociétés humaines, quelles qu’elles soient, où qu’elles soient, cherchent et trouvent les moyens d’un regroupement civique jusqu’à rendre pensable et possible une Organisation, alternative à l’ONU, émanant d’une volonté politique globale d’instauration d’une paix générale entre elles et d’une fin de leur exploitation endémique.
  2. Il est légitime de prononcer la déchéance historique de la forme d’organisation sociale dite État-Nation, tout autant que des hégémonies et des Empires, responsables tous ensemble de conflits et de destructions gigantesques, et qui tentent encore par tous les moyens, y compris la construction européenne et l’ONU,, de prolonger leur souverainisme désuet, et naturellement au premier chef de mettre en question l’Empire des USA et de son système socio-écomique.
  3. Il est indispensable et urgent de dénoncer l‘hypocrisie majeure des prétendus États de droit, qui ont bien pu entériner les conquêtes et les avantages que les mouvements sociaux leur ont arrachés, mais ont continué à bafouer le droit par l’oppression intérieure et la colonisation extérieure .
  4. Il est légitime de penser substituer au découpage arbitraire des territoires, la réalité historique souple des espaces relationnels, économiquee et culturels, et décider de leur gestion selon le principe de subsidiarité démocratique véritable..
  5. Il est indispensable et urgent de proclamer le droit à l’autogestion culturelle des existants collectifs différenciés selon un principe de respect mutuel et un plan d’organisation concret et réaliste.

En ce qui concerne le “ régional ”, dont nous nous sentons d’abord responsables, cela signifie l’élaboration d’un nouveau projet de Constitution européenne, basé sur l’émancipation et l’articulation des espaces relationnels, historiques et culturels et les subsidiarités reconnues, du pays de base à la région et aux inter-régions de diverses échelles, et sur une véritable démocratie institutionnelle, dans un cadre géographique repensé. Cela s’entend en mettant radicalement en cause les États-Nations, et spécialement le plus grippé d’évolution, la France.
Nous n’ignorons pas les difficultés et retardements que ne peut manquer de rencontrer un tel projet. Nous envisageons comme quiconque la politique de terrain qu’il exige, dans le cadre des institutions actuelles, et en profondeur. Mais qui prend un chemin doit dire où il va… Et, répétons-le, comme le local est devenu global, le présent immédiat est aujourd’hui devenu le futur, aussi lointain qu’on le voudra.
En première approximation.

Robert LAFONT

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