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Pour une convention occitane

27 mai 2000

Il n’est pas difficile de voir qu’en cette dernière année du XXe siècle, le mouvement, né il y a plus de deux siècles et demi en Pays d’oc, sans doute cas particulier de ce qu’on appelle le réveil européen des nationalités, mais à qui sa situation en France a fait connaître un sort particulier, atteint une échéance nouvelle et peut-être finale.

D’un côté, une morale internationale est en train de s’établir, qui pose le droit pour les langues et cultures victimes de relégation historique à des mesures de sauvetage et de promotion. Elle résonne en Europe, où elle est à l’origine de la Charte européenne des langues et cultures minoritaires et régionales. Elle y fait déjà l’objet, à peu près partout, de mesures et statuts largement favorables. La France s’est associée tard et timidement à ce processus démocratique par la loi de 1951, qui n’a jamais été l’objet d’élargissement malgré une cinquantaine de propositions parlementaires réunissant la totalité des familles de la représentation nationale. Cependant, en cette année 1999 l’accident de la signature de la Charte sus-nommée, suivi de son invalidation par le Conseil constitutionnel, a permis d’enregistrer une position moralement et symboliquement favorable des autorités publiques, jusqu’à la présidence de la République, pendant que les sondages révélaient une modification positive de l’opinion publique.

Il convient de souligner que, pendant ce siècle et demi, la productivité culturelle de la langue d’oc a été, malgré son statut socio-linguistique de "patois", supérieure, en particulier dans le domaine de la littérature, à ce qu’ont pu présenter les autres langues minorisées. Dans les trente dernières années, ce dynamisme a été particulièrement visible, atteignant une large audience sociale. Quelques progrès ont aussi été réalisés, grâce à une légère modification de l’attitude des pouvoirs publics, dans l’enseignement et l’audio-visuel, et à la prise de conscience de certains Conseils régionaux.

D’un autre côté, aucune des mesures consenties n’est propre à assurer un nouveau départ d’usage pour une langue maintenant privée de reconduction familiale, et qui ne peut plus compter, comme tant d’autres dans le monde, que sur l’entraînement de mesures volontaristes. C’est le moment précis où les autorités françaises choisissent, sous une sympathie de façade, une politique de retardement et d’étouffement, revenant à une condamnation à court terme : signature a minima de la Charte européenne, invalidation de cette signature, désengagement financier dans l’aide aux calandretas, étouffement programmatique de l’enseignement dans le second degré, refus d’élargissement des plages audio-visuelle, utilisation de l’article 2 modifié de la Loi fondamentale pour interdire une officialisation même partielle.

Cette situation s’aggrave, dans la mesure même où la morale internationale évolue et ses effets se font sentir en France, d’une crispation proprement française qui a deux aspects : naissance d’un parti "souverainiste" transversal qui associe le refus d’une démocratie européenne pleine et entière à celui d’un régionalisme démocratique, et politique de défense du français en Europe et dans le monde. Il convient à ce propos de souligner que le français n’est jamais en danger que sur ses positions extérieures, c’est-à-dire d’impérialisme culturel, alors qu’il continue journellement d’écraser sept langues intérieures, suivant ce qui a été internationalement reconnu il y a plusieurs décennies comme un "génocide culturel".

L’échéance ainsi définie dans ses deux aspects contradictoires place la France devant une responsabilité d’histoire de la plus haute gravité : va-t-elle continuer à confondre la "défense de la République" avec des positions archaïques et autoritaires, s’isolant de plus en plus dans le concert des Nations démocratiques et dans l’Union européenne.

Elle place les défenseurs de la langue et de la culture occitanes devant l’autre face de cette même responsabilité : vont-ils laisser agoniser huit siècles de création culturelle et un siècle et demi d’efforts renaissantistes dans des statuts limités ou inopérants, une revendication timide et une activité trop souvent anodine, quand ce n’est pas dans des querelles ridicules ?

Pour répondre à cette question, nous lançons l’appel à une CONVENTION OCCITANE, qui aurait pour objets :

  1. La conscience d’oc dans ses lieux (mouvement culturel et mouvement socio-politique)
  2. L’apport de cette conscience à la citoyenneté et la démocratie en France et en Europe.
  3. Le rapport de la culture d’oc aux collectivités locales de la République française.
  4. La promotion sociale de cette culture.

Nous n’entendons pas coiffer les organisations existantes par une nouvelle organisation ni embrigader des individus mais appeler à une réflexion commune, totalement ouverte et responsable, sans laquelle, nous semble-t-il, tous ceux à qui importent la langue et la culture d’oc feraient acte de suicide collectif à l’échéance des vingt prochaines années.

Nous appelons dès maintenant à une réunion préparatoire, pour établir la méthodologie et le programme de la Convention elle-même, le 20 mai 2000 à Carcassonne.

Robert LAFONT - Gustave ALIROL - Philippe CARBONNE

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