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N° 167 : Les enjeux de Carcassonne

On nous disait, Nous Occitans, (en nous comparant aux Basques, aux Corses, aux Bretons ou aux Catalans...) dépassés, résignés, assimilés, anéantis même, tant nous éprouvions de difficultés à faire entendre une voix forte et spécifique dans la République centralisée.

On a souvent tenté de nous diviser entre Auvergnats, Limousins, Gascons, Languedociens, Provençaux... et cela continue. Mais, en manifestant ensemble massivement à Carcassonne, en 2005 déjà, puis à Béziers en 2007, nous avons su montrer qu’au-delà de nos spécificités « régionales » nous sommes capables d’affirmer notre identité commune ; nous sommes là pour dire haut et fort, une fois de plus, qu’il est impératif d’envisager ensemble les voies et les moyens d’assurer l’avenir de notre langue et de notre culture propres.

L’avenir en jeu

Car, c’est bien d’avenir qu’il s’agit : de notre avenir au sein de la République, laquelle doit évoluer ; de notre avenir dans l’Union Européenne, si nous savons construire celle-ci pour ses citoyens, au-delà des égoïsmes entretenus par les États-Nations.

La perspective européenne donne en effet tout son sens à notre combat commun pour la reconnaissance et le respect de notre identité. Aucune volonté de puissance ou d’exclusion, chez nous. Nous demandons d’abord et avant tout le respect. Á l’heure de la mondialisation et de l’approfondissement indispensable de la construction européenne, il est une des conditions nécessaires de notre développement harmonieux, culturel mais aussi économique et social. Ce qui est vrai pour les autres « Peuples », qui font entendre leur voix en Europe et dont beaucoup sont en passe d’obtenir la forme de reconnaissance qui leur est adaptée, ne le serait-il pas pour nous ? Pourquoi n’aurions-nous pas droit à un cadre institutionnel commun tenant compte de notre réalité ? Une « infériorité » nous condamnerait-elle à être les laissés pour compte dans le grand processus européen et mondial de reconnaissance de la diversité ?

La République française a fini par admettre l’existence des langues dites « régionales », lors de la révision constitutionnelle de 2008. Mais ne l’ayant fait que sous la pression, sans envisager de réformer en profondeur son « logiciel » jacobin, il est à craindre que les mesures législatives de mise en œuvre du nouveau principe n’arrivent jamais ou en tout cas ne changent rien à la situation actuelle de mépris pour notre réalité linguistique. Déjà des manœuvres ont recommencé pour que soit niée l’existence de notre langue occitane.

La grande urgence

Il y a urgence aujourd’hui. Malgré la crise et même à cause d’elle, des mesures sérieuses doivent être prises pour une politique linguistique et culturelle en faveur de l’occitan. Allons- nous continuer à attendre, en nous laissant bercer (berner ?) par de fausses promesses, que les derniers locuteurs naturels de notre langue aient disparu, comme l’espèrent depuis longtemps les tenants d’une conception dépassée de la République et de sa prétendue égalité ? Ou sommes-nous prêts à exiger la mise en place, certes progressive mais néanmoins conséquente, d’une offre généralisée d’enseignement de la langue et dans la langue à tous les niveaux du service public de l’éducation ? Voulons-nous véritablement toutes les mesures nécessaires (en matière de médias, de production culturelle, d’expression publique...) pour faire de la langue et de la culture occitanes une langue et une culture vivantes et d’avenir, ouvertes à toutes les autres ? Bref, un « droit opposable à la langue » ne doit-il pas nous être reconnu comme droit fondamental ? Nul doute que tous ici, par votre présence et votre détermination, apportez un soutien positif à ces revendications.

Parce que l’urgence est là, nous ne pouvons plus attendre indéfiniment que le Pouvoir à Paris se décide à nous concéder quelques demi-mesures sans aucune portée réelle. De quel droit peut-il décider, seul en tout cas, pour ce Pays d’oc, de l’avenir de sa langue historique ? Au nom de qui ? Avec quelle légitimité ? Car la légitimité ne se trouve pas à Paris mais bien ici ; et ici seulement.

Le temps du débat

Il est grand temps que dès aujourd’hui un débat sérieux s’instaure dans le Pays occitan sur les mesures indispensables pour la survie de notre identité. Et ce débat doit se tenir en impliquant tous les élus qui ont la charge du Pays, à tous les échelons de son administration. Telle est bien la responsabilité de nos élus occitans : eux seuls sont responsables et seront comptables devant l’Histoire car eux seuls sont en définitive, en tant qu’élus de ce Pays, les dépositaires de la légitimité qui, en ce domaine, fait défaut au pouvoir centralisé.

Les élus régionaux concernés

En tout état de cause, nos élus régionaux sont les premiers concernés. Ce sont eux à qui revient le devoir de mettre en place le « Conseil Culturel Interrégional Occitan » nécessaire pour toute politique sérieuse. Les prochaines échéances électorales devront donc être un des moments incontournables de l’instauration, à l’échelle du Pays occitan tout entier, de l’indispensable débat démocratique que nous aurons initié par notre présence, ici, une nouvelle fois.

Gustave ALIROL

Maire honoraire de Saint-Hostien (43260), Président du Partit Occitan

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