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Villers-Cotterêts : manipulation et mépris 

La « Cité internationale de la langue française » a été inaugurée. On utilise une fois de plus l’histoire afin de justifier une politique d’uniformisation des langues et des cultures. Les langues dites régionales méritent mieux que cela et le français mérite mieux que cette manipulation.

Que l’on décide de faire une Cité internationale de la langue française n’a en soi rien de choquant. Une langue est un monument vivant. Il dit l’histoire et peut aider à inventer l’avenir. Il est aussi un moyen d’expression et de développement culturel.  Mais cela vaut pour toutes les langues. 

Ce chantier qui aura coûté plus de 200 millions d’euros parce que, disait une ministre de la culture, il fallait mettre fin à ce « scandale patrimonial » tellement le monument était délabré. La République ose utiliser une ordonnance royale de 1539 afin de refuser aux langues dites régionales toute reconnaissance ! Quelle contradiction !1

Il est plus qu’urgent de faire en sorte que l’ensemble des langues de France, dont la nôtre, l’Occitan, soit aussi l’objet d’une attention d’un tel niveau budgétaire ! Nos langues ont été victimes d’une discrimination depuis des siècles et sont aujourd’hui en danger de mort ! A moins d’avoir une vision très étroite du patrimoine, celui-ci ne peut se limiter aux pierres. D’ailleurs la seule mention de nos langues dans la Constitution est celle-ci : « les langues régionales font partie du patrimoine de la France ». Et alors que fait on ? 

Le président de la République, comme ses prédécesseurs ne fait rien, rien qui soit conforme en tous cas à cet article 75-1 et aux normes de l’Union européenne. 

Dans le château de Villers-Cotterêts François 1er signa une longue ordonnance (plus de 200 articles sur des questions administratives et de justice) dont deux articles stipulent que les actes administratifs du royaume devront se faire en « langage maternel françois ». Il est dommageable que ce texte serve aujourd’hui à faire croire qu’il s’agirait d’un acte fondateur qui justifierait que dans la République il ne faudrait laisser prospérer qu’une seule et unique langue. Affirmer des contre-vérités ne sert en rien la République2.

On cherche à écrire un nouveau chapitre d’un « roman national » et cela au détriment de la diversité linguistique. Les intentions de François 1er étaient semble-il de faire en sorte que le latin laisse sa place au français. Certains, dont E.Macron (mais d’autres avant lui) en font une arme contre nos langues. C’est une manipulation de l’histoire et un mépris pour ce principe évident qu’est l’égalité des langues et des cultures. Et s’il fallait une preuve de ce mépris, il suffit de regarder que parmi les 100 mots affichés dans le château rénové comme étant les 100 mots représentatifs de la langue française, trône au beau milieu celui de « patois ».

C’est le mot qui a servi pour désigner avec mépris tout ce qui n’était pas le français et a été le support d’une politique linguistique répressive. Dans certaines écoles n’avait-on pas installé des panneaux : « il est interdit de cracher par terre et de parler patois » ? 

  1. « il n’y a qu’une seule langue officielle dans la République, et même avant la République, c’est le français » E. Macron Bastia, février 2018  ↩︎
  2. «Au fond, nous sommes le seul pays de la Francophonie qui ne vit qu’en français (…) Il n’y a que les Français qui n’ont que le Français ». extraits du discours prononcé le 20 mars 2018 à l’Institut de France. Dans ce même discours le président de la République parlait :  « au nom d’une francophonie qui n’écrase pas ». ↩︎