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Lettre du collectif « Pour que Vivent Nos Langues » au premier ministre François Bayrou

Le Collectif Pour Que Vivent Nos Langues, qui regroupe les structures associatives représentant la diversité des acteurs des langues régionales, a adressé au Premier ministre François Bayrou une lettre sur la place des langues régionales dans la réforme de la formation initiale et du recrutement des enseignants.

Une copie a été adressée à la ministre de l’Education nationale Mme Elisabeth Borne et aux députés, députées, sénateurs et sénatrices. Cette lettre dénonce le fait qu’aucune mention n’est faite de la place des langues régionales dans les nouveaux parcours de formation à compter de 2026.

Pour Que Vivent Nos Langues propose des mesures nécessaires et urgentes pour nos langues, leur enseignement et leur pratique sur les territoires concernés.

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Monsieur le Premier ministre,

Le collectif « Pour Que Vivent Nos Langues », composé de structures associatives, représente l’ensemble des acteurs principaux œuvrant en faveur des langues régionales sur les territoires concernés.

Vous avez annoncé le 28 mars dernier en compagnie de Mme Elisabeth Borne la relance de la réforme de la formation initiale des enseignants.

C’est à ce titre que nous nous adressons à vous parce que nous connaissons votre attachement aux langues de France, manifesté par votre action lors de vos fonctions de Ministre de l’Éducation nationale. Plus récemment, en mai 2021, lors de l’annonce de la censure partielle de la loi du 21 mai 2021, vous déclariez

que « la France et l’État ont le devoir de soutenir les langues régionales ». Vous aviez ainsi tenu à rappeler que « les langues régionales font partie du patrimoine culturel français » et qu’elles représentent « un bien culturel précieux pour des millions de Français ».

Or, dans les textes que le ministère de l’Education nationale a publié ce 19 avril, aucune mention n’est faite de la place des langues régionales dans les nouveaux parcours de formation à compter de 2026. Concernant la formation et le recrutement des enseignants, notre collectif est porteur de propositions présentées notamment aux députés du groupe d’études « langues et cultures régionales » lors de notre audition à l’Assemblée nationale le 8 novembre 2023.

Ces propositions se trouvent en ligne sur notre site. Le 12 octobre 2022, nous avions également adressé au ministère de l’Education nationale dans un courrier – resté sans réponse – des propositions sur la formation et sur le concours des enseignants bilingues.

Or, les objectifs de généralisation de l’offre d’enseignement des langues régionales fixés par la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (article 7, intégré dans le code de l’Éducation, Art. L. 312-11-2)  , se heurtent au déficit criant, dans les régions concernées, d’enseignants capables d’enseigner les langues régionales et en langues régionales. D’où la nécessité de mesures concrètes quant à la formation initiale ainsi que pour les concours de recrutement de tels enseignants :

« Sans préjudice de l’article L. 312-11-1, dans le cadre de conventions entre l’État et les régions, la collectivité de Corse, la Collectivité européenne d’Alsace ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves »

Les décrets publiés le 19 avril, concernant les concours des premier et second degrés continueront d’aggraver ce manque d’enseignants. Ils reprennent notamment les éléments négatifs de la réforme du CRPE (Concours

de recrutement de professeurs des écoles) de 2022 conduite sous la houlette du Ministre de l’Éducation de l’époque, M. Blanquer, qui avait sensiblement diminué le poids des langues régionales, rendant le concours CRPE actuel « spécial langues régionales » de moins en moins « spécifique »,

Dans le même ordre d’idées, la non-intégration des langues vivantes régionales, dans la seconde épreuve de l’admissibilité du concours concernant les langues vivantes va totalement à l’encontre de la loi du 21 mai 2021 et de son article L 312-11-2 du code de l’Éducation déjà cité.

Cette intégration des langues régionales avait pourtant été possible en 1995, quand vous étiez vous-même Ministre de l’Éducation nationale, avant l’ouverture du concours spécial Langues Régionales en 2002. Et même dans le cas du concours spécial, il nous semble que les langues régionales devraient avoir un poids beaucoup plus important.

Pour les membres du collectif, un certain nombre de mesures sont donc nécessaires et urgentes dans le cadre de la réforme en cours. Notons en préambule qu’un développement de la formation des futurs enseignant.es

de et en langues régionales nécessite forcément des moyens ministériels budgétaires spécifiques affectés aux établissements concernés (INSPé – Universités) pour limiter les effets de la concurrence entre formations.

Pour le premier degré :

-la création de Licences de Professorat des Écoles (LPE) bilingues / langues régionales intégrant une formation intensive à la langue régionale (soit l’équivalent d’une formation d’environ 1200 heures réparties sur les trois ans de la licence).

-la mise en place d’un véritable concours de recrutement de Professeurs des écoles spécifique (CRPE) aux langues régionales, où la parité avec le français serait véritablement prise en compte, et même au-delà, puisque ces enseignants seront destinés à enseigner en langue régionale.

-la refonte du Master MEEF (Métiers de l’Enseignement, de l’Education et de la Formation), mention Professorat des Écoles bilingues français-langues régionales, où la part des enseignements en langues régionales est au minimum de 50 % de l’emploi du temps.  Ces deux derniers points sont réclamés depuis 2015 par la section 73 (Cultures et langues Régionales) du Conseil National des Universités dans le cadre d’une motion votée à l’unanimité à Toulouse le 6 février 2015, motion annexée au présent courrier.

-la prise en compte des langues régionales dans l’épreuve de langues vivantes du futur concours de professeur des écoles et l’intégration d’un module langues et cultures régionales dans les maquettes de formation du Master Professorat des Écoles (hors parcours bilingue) dans les territoires concernés afin de pouvoir appliquer l’article L. 312-11-2 du Code de l’Éducation , instauré par loi du 21 Mai 2021.

-l’ouverture d’une liste complémentaire aux concours spéciaux langues régionales.

Pour le second degré :

-la révision des maquettes des CAPES/ CAFEP prenant en compte la spécificité de l’enseignement bilingue, ce qui suppose l’ajout, à côté des valences actuelles (Histoire-Géographie, Mathématiques, Langues Vivantes Etrangères, Lettres), d’autres valences complémentaires ouvrant à l’enseignement d’autres Disciplines Non Linguistiques (DNL) dans les domaines suivants : SVT, EPS, Physique – Chimie, Numérique / informatique, Éducation musicale, Arts plastiques, SES, technologie.

-en complément, la conception et la mise en œuvre de maquettes de CAPES et CAFEP monovalents en langues régionales sur le modèle actuel du CAPES de Langue Corse.

-l’ouverture – ou la réouverture, puisqu’il y a eu aussi, dans ce domaine, un terrible rétrécissement de l’offre depuis les dernières décennies – des formations aux concours externes et internes (CAPES, CAFEP, dans chacune des académies concernées, en comprenant la diaspora parisienne). L’agrégation en langues régionales récemment mise en place n’offre que de maigres possibilités pour le moment.

-une augmentation des postes aux CAPES et CAFEP – langues régionales et à l’agrégation des langues de France.

-la parution des programmes de l’agrégation à la même date que pour les autres disciplines,

-l’ouverture, chaque année, de sessions de CAPES-CAFEP interne donnant aux nombreux enseignants contractuels des perspectives de titularisation,

-enfin, l’ouverture de parcours de titularisation pour les enseignants de langues régionales ressortissants européens non français.

Nous rappelons, par ailleurs, que l’insuffisance du nombre de candidats aux concours d’enseignants est une des conséquences des effets délétères des réformes du second degré sur les effectifs des étudiants des filières universitaires concernées, en mesure de constituer des viviers suffisants.

Nous ne doutons pas de votre volonté, Monsieur le Premier ministre, de clarifier et améliorer la situation des langues régionales, notamment en matière de recrutement et de formation des maîtres. C’est pourquoi nous vous demandons d’intervenir auprès de Madame la Ministre de l’Éducation nationale afin que soient revues les maquettes des futurs concours de recrutement des enseignants de et en langues régionales et que soient intégrées ces langues régionales dans les futures licences LPE et futurs Masters MEEF.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’expression de nos sentiments les plus dévoués.

Les organisations signataires membres du collectif Pour Que Vivent Nos Langues

Pour le droit de vivre en occitan, modifions la constitution !

A Toulouse, un rassemblement est prévu le 1er juin à 11h devant la mairie puis à 11h30 devant la préfecture.

Pourquoi ces rassemblements ?

En mai 2021, était votée la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion dite « Loi Molac » que le Conseil constitutionnel censurait partiellement dans la foulée. 

Depuis, une interprétation restrictive de l’article 2 de la Constitution (qui indique notamment que la langue de la République est le français) continue à être systématiquement opposée à chaque avancée possible pour nos langues, et les problèmes se multiplient.

– La situation des Fañch, Iñaki, Aña, Artús n’est toujours pas éclaircie et la liberté de choisir le prénom de son enfant avec un signe dit « diacritique » est systématiquement remise en question.

– Les collectivités publiques souhaitant développer l’usage de nos langues dans leurs institutions ont été systématiquement attaquées et leurs délibérations annulées au Conseil d’État ou au tribunal administratif (Polynésie française, Communes catalanes d’Elne, Port-Vendres, Amélie-les-Bains et Tarerach, Collectivité territoriale de Corse, reconnaissance de coofficialité du Créole en Martinique)

La situation se dégrade dans l’enseignement avec :

– l’ « oubli » des langues régionales lors des réformes du collège, réformes du lycée, « choc des savoirs » et maintenant lors de la réforme annoncée de la formation des enseignants ;

leur disparition pour les épreuves DNL (Disciplines Non Linguistiques) du baccalauréat et seule la lutte a permis le maintien de la présentation en langues régionales des sujets des épreuves du brevet pour cette année ;

la non-application de la généralisation de l’enseignement des langues régionales à tous les élèves d’un territoire qui le souhaite, inscrite dans la loi en 2021, car aucun moyen supplémentaire permettant d’atteindre cet objectif n’a été engagé par le Ministère de l’Éducation Nationale ;

les alertes de la chambre régionale des comptes de Bretagne pointant l’insécurité juridique de la circulaire de l’Éducation Nationale de 2021 (censée protéger l’enseignement par immersion, suite à la censure du Conseil constitutionnel) avec sa possible remise en question à tout moment par un nouveau gouvernement,

le blocage de  la contractualisation de Scola Corsa et le non-renouvellement des conventions avec Seaska ou Diwan.

Nos langues ne peuvent vivre dans cette précarité. Elles ont besoin que ce qui a été construit jusqu’à présent ne puisse pas être remis en cause. Elles ont besoin que les projets d’avenir soient consolidés. Elles ont besoin d’une sécurité juridique qui nécessite dès à présent une modification de la Constitution. 

C’est pourquoi le collectif Pour que vivent nos langues appelle à des rassemblements au Pays Basque, en Bretagne, Corse, Alsace, Catalogne, dans l’espace occitan et les différents territoires concernés, le samedi 1ᵉʳ juin 2024 pour demander une modification de la constitution maintenant !  Pour que nos langues vivent et que nous puissions vivre dans nos langues !

Promotion des langues et littératures régionales dans les médias publics et à l’Education nationale

La campagne pour les élections européennes est une occasion de s’inspirer d’exemples nationaux de promotion

Ainsi, fruit de mobilisations historiques, les Cortés ont officialisé en 2023 l’utilisation de quatre langues présentes en Espagne : le basque, le catalan, le galicien et l’occitan. Dans le même sens, demande a été faite par le gouvernement Sanchez aux instances de l’Union européenne, mais elle a été bloquée par différents gouvernements dont le gouvernement français.

Dans la même période, a été inaugurée la Cité du français et de la francophonie à Villers-Cotterêts.  Cet événement, controversé, entérine une énième fois le statut du français comme « langue unique » du pays. Ne faudrait-il pas, pour compenser, la création d’une Cité des langues de France dans une capitale régionale ?  

Nous demandons une application plus inclusive de la loi sur leur promotion dans les médias publics, télévisuels et radiophoniques. Un quota devrait être attribué quant à la diffusion des  chansons et musiques. Un précédent à saluer, dans le cadre de la  semaine des langues régionales sur France 3, est l’émission à l’initiative d’Anne Etchegoyen et d’autres artistes, « CANTA KANAN à l’Alhambra »

Cette émission est à renouveler régulièrement, àl’instar de ce qui se fait déjà avec le festival interceltique de Lorient. Aux chants des régions historiques, devraient être ajoutés ceux de territoires ultramarins, ceux qui sont interprétés en créole notamment.

Nous soutenons, de la même manière, la pétition massivement signée en faveur de l’enseignement des littératures régionales (dont font partie les œuvres des troubadours, de Frédéric Mistral…). Il est temps que les institutions prennent la température de l’opinion publique : celle-ci est en faveur d’une programmation plurielle et inclusive de la culture nationale. A l’image d’un environnement européen, largement fédéral ou plus décentralisé, et de sa devise « L’unité dans la diversité ».

                 Partit occitan (POC)- Unitat catalana  membres de Régions et peuples solidaires (R&PS)

Le Conseil Constitutionnel, rue de Montpensier à Paris (mbzt-CC)

Communiqué : pour l’autonomie, il faut être plus audacieux !

Il serait très bénéfique pour  la démocratie qu’une réforme constitutionnelle profite à toutes les régions et à toutes les langues dites « régionales » .

L’entrée du Conseil constitutionnel, 2 rue Montpensier à Paris (mbzt-CC Wikimedia commons)

Le président de la République veut marquer l’histoire. Il a parlé  d’une « autonomie à la corse » dans une Corse qui serait autonome « dans la République » Fallait-il préciser « dans la République » ? L’autonomie n’est pas l’indépendance, chacun le sait ou devrait le savoir.

Seuls les mois qui viennent nous diront si ce discours aura été « historique ». L’entrée de la Corse dans la Constitution serait une bonne chose pour les corses, mais une entrée du concept d’autonomie pour toutes les régions serait une bonne chose pour la modernisation de la République.

Il est d’ailleurs assez singulier d’entendre certains responsables politiques parler d’un projet pour « plus d’autonomie » des régions, alors que les régions n’ont à ce jour aucune autonomie. Ce mot signifie que les régions devraient pouvoir disposer des moyens budgétaires et politiques afin de traiter des questions liées aux compétences qui leur seraient clairement attribuées dans le cadre d’une négociation avec l’État.

Langue : des promesses… mais pas une politique

Les promesses faites en faveur de la langue corse viennent après une longue période noire pour nos langues, période pas encore terminée. Le démontage de la loi Molac en 2021 avec la complicité de membres du gouvernement et l’intervention du Conseil Constitutionnel en est une triste illustration.

Le Conseil Constitutionnel sort, chaque fois qu’il le peut, la matraque de l’article 2 afin d’assommer toute volonté d’avancer dans le domaine des langues dites « régionales ».
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Ainsi le président de la République s’est bien gardé d’évoquer la reconnaissance officielle de la langue corse, pas plus que celle des autres langues de France. Il est opposé à ce que l’on appelle la co-officiliaté ; il l’a dit il y a quelques mois. Pourtant la France ne pourrait que sortir grandie si elle assumait son histoire, celles de peuples contraints d’abandonner leur identité, leur culture et leur langue.

Nous attendons avec intérêt la suite de ce discours et les décisions concrètes qui seront prises. Si une réforme constitutionnelle a lieu, nous pensons que l’occasion de généraliser le principe de l’autonomie doit être saisie, notamment pour les régions occitanes ( c’est à dire des Alpes aux Pyrénées, de Nice à Bordeaux) dans la perspective d’autonomies à l’occitane.